vendredi 21 décembre 2007

En mission pour le Secret du Roi

Pendant quelque temps, Monsieur de C se fera discret. Non que la passion dix-huitièmiste se soit émoussée au fil du temps, rassurez-vous. D’ailleurs, vous aurez peut-être remarqué que si le mois de novembre fut peu bavard dans ces colonnes (d’autres passions et d’autres devoirs m’ayant quelque peu éloigné), le mois de décembre a été plus animé.

Le silence des prochains jours traduira le départ de Monsieur de C pour une mission confiée par le Secret du Roi. Après une courte étape à Paris pour y prendre connaissances des instructions plus précises, Monsieur de C franchira la Manche et se rendra dans la capitale de nos héréditaires ennemis.
Quelles discrètes tractations y seront-elles menées ? S’agira-t-il de convaincre le chevalier d’Eon de rendre ces documents secrets qui lui ont été imprudemment confiés et qu’il menace de dévoiler à l’opinion anglaise si ces extravagantes exigences ne sont pas entendus par notre bon roi ? Ou bien sera-t-il plus prosaïquement question d’aller passer quelques jours de villégiature au bord de la Tamise, en honnête promeneur ? Noël en terre anglaise, avant un retour en Guyenne pour le passage à la nouvelle année ?


En attendant de vous retrouver par ici, recevez mes cordiales salutations et mes vœux de bonnes fêtes de fin d’année.

Moonfleet en bulles

Après vous avoir dit tout le bien que je pense de Moonfleet en roman (l'oeuvre originelle, par John Meade Falkner) et en film (par Fritz Lang), je reviens devant vous pour vous parler d'une autre forme d'adaptation, en bande dessinée cette fois.

Rodolphe et Hé se sont associés pour mettre à leur tour en images ce récit. Pour autant que l'on puisse en juger au travers de ce premier tome publié récemment (éditions Robert Laffont, collection Aventure, ISBN 978-2-221-10577-1), l'histoire contée par Rodolphe et Hé est plutôt fidèle au roman.
Le dessin est plutôt classique, avec une mise en couleurs assez dense. Nous ne sommes pas sur les mêmes chemins graphiques de traverse que dans l'adaptation du Maître de Ballantrae par Hippolyte, mais cela reste tout de même très agréable à lire.

Rendez-vous dans un an environ, pour la suite de l'aventure.

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La fiche de cette série sur le site de la Bédéthèque

mercredi 19 décembre 2007

En petite société

Un pouce. Un peu plus de deux centimètres et demi. Format Tom Pouce, en quelque sorte. Voilà des invités qui ne vous encombreront pas trop, si vous les conviez dans votre salon.

Et ils crotteront sûrement moins vos tapis que les contrebandiers que je vous ai présentés voici quelques jours.

A défaut de recourir au talentueux service de costumière de Lisa, mettez à l'épreuve vos talents de peintre, et transformez ces figurines de métal terne en de petits personnages colorés. Ne lésinez pas sur les velours et les soieries, aucun tailleur ne viendra vous en réclamer le paiement.


(Figurines The Foundry)

Moonfleet by Lang

Quand Fritz Lang réalise Moonfleet (1955, sorti en France en 1960 sous le titre Les contrebandiers de Moonfleet), il ne se contente pas de traduire en images animées le roman éponyme de Falkner. Il s'inspire du roman, mais crée une oeuvre nouvelle. Et quelle oeuvre ! Bien sûr, un metteur en scène peut, dans sa carrière, réaliser du bon et du moins bon, mais le Fritz Lang de Moonfleet est bien celui du Docteur Mabuse et de M le Maudit : un grand metteur en scène.

Film du changement pour Fritz Lang (il revient à la MGM, il tourne pour la première fois en Cinémascope), Moonfleet aussi un film que Lang ne savait pas aimer, argüant notamment du fait qu'il n'était pas responsable du montage définitif et que le dénouement n'était pas celui qu'il aurait voulu tourner. Et pourtant, ce Moonfleet est un grand film.

Mais il ne faut pas se laisser tromper. Même s'il offre son comptant de duels et de chevauchées, Moonfleet n'est pas un film d'aventures trépidantes, un film de cape et d'épée bondissant. Je le vois plutôt comme un film stylisé (une impression renforcée par le tournage en studio), comme un théâtre d'ombres. Il est assez étonnant, par ailleurs, de voir que ce film repose sur des styles photographiques assez différents, entre les visions inquiétantes de l'église et du cimetière, par exemple, et des scènes plus « barrylyndoniennes » comme des clins d'oeil aux tableaux de Hogarth.


Lang n'a pas choisi d'en rester à l'opposition facile entre l'innocence de la jeunesse et la culpabilité de l'âge adulte, et il nous montre, tout au contraire, des facettes tout aussi négatives chez les différents personnages, quels que soient leurs âges. Le film me paraît empreint d'un pessimisme sur l'âme humaine, y compris dans son regard sur la jeunesse, dont l'« innocence » prend un sens second, celle d'une jeunesse plutôt ignorante et bercée d'illusions.



Alors, qu'en dire, au final ? Pessimiste ? Crépusculaire ? Beau ? Glacé ? Je ne peux pas y répondre à votre place. Il ne vous reste donc qu'à en faire vous-même l'expérience. Je suis sûr que, de toutes manières, ce Moonfleet ne vous laissera pas indifférents.


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mardi 18 décembre 2007

L'ombre des Mohune

The village of Moonfleet lies half a mile from the sea on the right or west bank of the Fleet stream. This rivulet, which is so narrow as it passes the houses that I have known a good jumper clear it without a pole, broadens out into salt marshes below the village, and loses itself at last in a lake of brackish water.

En deux phrases, le décor est planté. Un village sur la rive occidentale de l'estuaire de la Fleet. Ajoutons-y une côte fouettée par le vent, et le manoir inquiétant des Mohune. De Mohune à Moon, juste un glissement phonétique, avant de se marier à la Fleet pour donner Moonfleet. Bientôt, les personnages entreront un à un dans ce théâtre où presque tout l'histoire va se jouer.

Quand Stevenson nous entraînait au loin vers son Île au trésor, John Meade Falkner nous garde sur ces côtes du Dorset dans son Moonfleet, comme Mac Orlan nous gardait à Brest dans son Ancre de miséricorde. Mais ce n'est pas pour autant que le décor manque de consistance : les nuits de Moonfleet sont sombres, et elles forment le royaume des contrebandiers, les smugglers dans la langue de l'auteur, ce mot qui vous roule dans la bouche comme un galet sur une plage battue par la mer. Et ce petit village de pêcheurs devient, peu à peu, un lieu de mystères, de murmures et de soupçons, d'amour et de haine.

Les personnages de Falkner ne sont peut-être pas aussi riches de profondeur que ceux de Stevenson, mais ce Moonfleet est un roman qui n'a pas à rougir de la comparaison avec d'autres histoires de trésor, et même avec d'autres romans d'aventure, car tous les ingrédients y sont, et sont servis avec élégance par le ton du récit. Même si ce roman est parfois présenté comme un « livre pour la jeunesse », je trouve cela bien réducteur, et ses qualités vont bien au-delà de cette qualification étriquée. La préface que Michel Le Bris a écrite pour une des éditions françaises (éditions Phébus, collection Libretto, ISBN-13: 978-2859405175) vous dira tout cela bien mieux que moi.
Là où le jeune lecteur verra uniquement une histoire de trésor de pirates, l'adulte pourra trouver, également, une réflexion plus profonde, en fouillant la mélancolie et la noirceur de ce récit : en voulant changer de vie, en voulant prendre notre destin en main, nous ouvrons-nous un avenir radieux ou un horizon plus sombre encore ?

Moonfleet, un roman initiatique, de la belle et grande aventure, pour petits et grands.

lundi 17 décembre 2007

Faïences françaises

Il faut croire que je suis dans ma période « faïences » : après ma visite au musée Adrien Dubouché de Limoges, voilà que sur les rayons de la maison de la presse que je fréquente préférentiellement, j'ai trouvé un numéro hors série de la revue France antiquités (HS n°10, novembre 2007), consacré aux faïences françaises.

Pour un prix qui ne tourne pas au banditisme de grand chemin, voilà un guide pratique et richement illustré pour faire connaissance avec les manufactures, les modèles, les décors et les prix. Les dixhuitiémistes ne seront pas orphelins du tout puisque ce hors-série fait la part belle aux productions de cette époque.

Que vous soyez déjà familier du sujet ou béotien en la matière, vous aurez entre les mains un document d'un abord très facile, à consulter sans modération.

dimanche 16 décembre 2007

Tables à jeux

En octobre dernier, j'avais attiré votre attention sur un numéro de la revue Antiquités Brocante, qui comportait des articles intéressant les amateurs dix-huitièmistes, l'un sur la verrerie et l'autre sur les instruments géodésiques.

Dans le numéro actuel de cette revue (n°114, décembre 2007), ce sont les tables à jeux qui sont mises à l'honneur. Quel amateur du XVIIIe siècle n'a pas rêvé à une table de jacquet, de trictrac ou de bouillotte, estampillée Letellier, Dubois ou Aubry ?

Cet article de sept pages, abondamment illustré, offre un panorama assez large, notamment pour des meubles du XVIIIe siècle, âge d'or des tables à jeux.


Quelques prix indicatifs donnés par l'article amènent à comprendre qu'il faut mettre quelques sous dans la cagnotte avant de se lancer dans un achat. Par exemple, une table de bouillotte d'époque Louis XVI vaut entre 1.000 et 5.000 Euros, mais passe à 10.000 ou 15.000 euros si elle est signée Riesener. Une table de trictrac, de plus grande taille, se négocie entre 4.000 et 8.000 Euros pour un modèle du XVIIIe.

Photo : Gazette Drouot (site)


samedi 15 décembre 2007

Une grâce renversante

A l'occasion de ma visite du musée Adrien Dubouché de Limoges, j'ai bien sûr consacré un peu de temps à parcourir leur coin librairie.

Parmi les ouvrages qui m'ont tapé dans l'oeil, un livre de la Réunion des musées nationaux consacré au sculpteur Étienne Maurice Falconet (1716-1791) : Falconet à Sèvres, 1754-1766, ou, L'art de plaire, de Marie-Noëlle Pinot de Villechenon (Réunion des Musées Nationaux, 2001, ISBN-13 : 978-2711841707).


J'avais commencé à m'intéresser à Falconet et à la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres après la lecture du livre Bleu de Sèvres, de Jean-Paul Desprat.
Avec ce livre de la RMN, je peux désormais plonger plus avant dans l'art de Falconet, art auquel je trouve une grâce renversante, que ce soit pour une pièce de table ou pour une statue équestre monumentale.


(Photo : Manufacture nationale de Sèvres)


Ah, si vous n'appréciez pas le style néoclassique, passez votre chemin, car c'est bien dans ce courant que navigue cet artiste. Mais si vous l'appréciez, alors furetez ici et là sur dans les musées, dans les libraires, ou sur la toile, et régalez-vous.

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Pour une porte d'entrée vers divers sites présentant des oeuvres de Falconet, suivez ce lien-ci (anglophone, certes, mais suffisamment explicite pour être pratique).

Porcelaine à Limoges

Un déplacement professionnel vient de me conduire à une ville dans laquelle je n'avais fait qu'un passage-éclair voici plus de vingt ans : Limoges. Tentant d'oublier la ritournelle publicitaire vieille de quelques décennies et vantant un des fabricants de porcelaine de cette ville, j'ai eu un petit plus de temps devant moi, cette fois-ci, ce qui m'a permis de visiter le musée national Adrien Dubouché, consacré à la porcelaine, à la céramique, à la faïence.


(Photo : Comité départemental du tourisme de Haute-Vienne)

J'y ai principalement attiré par l'affiche sur l'exposition temporaire « Le naturalisme, Source d'inspiration pour la porcelaine », surtout centrée sur des créations d'hier et d'aujourd'hui inspirées par l'oeuvre naturaliste de Buffon.
Au-delà de cette exposition, j'ai été vraiment emballé par la richesse des collections de ce musée, des poteries gallo-romaines aux grès les plus contemporains. Et, bien sûr, par l'étage consacré aux collections XVIIIe siècle, qu'elles soient françaises, espagnoles, allemandes, italiennes ou encore chinoise.


(Photo : Comité départemental du tourisme de Haute-Vienne)

Un petit regret, toutefois : la muséographie ne me semble pas à la hauteur des richesses de ces collections. Les courts textes explicatifs posés dans les vitrines ne sont pas suffisamment mis en valeur et donnent une impression un peu vieillotte.
Evidemment, il est peu probable que vous vous lanciez dans un voyage à Limoges spécifiquement pour visiter ce musée. Mais, si vous passez par cette ville ou pas loin, n'hésitez pas à faire le détour.

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Pour en voir un peu plus : quelques pièces remarquables des collections de ce musée sont présentées sur cette page-là.

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mardi 11 décembre 2007

Moonfleet au creux de la main

Il faudra qu'un de ces jours je trace quelques lignes de ma plume pour dire tout le bien que je pense du roman de Falkner Moonfleet, et de quelques oeuvres qui en ont été adaptées pour le cinéma ou la bande dessinée.

Mais aujourd'hui, ce sont des contrebandiers miniatures que j'invite dans les salons de Monsieur de C. La firme The Foundry (anciennement Wargames Foundry) produit des miniatures remarquables de finesse de gravure et de « vie ». Et j'en ai acheté plus d'une, au long des années. Mes prochaines acquisitions se feront dans la gamme dix-huitiémiste, qui s'est agrandie hors des habituels sentiers des troupes guerrières, pour aller vers des sujets plus civils.


Aujourd'hui, je jette un coup de lanterne sur ces contrebandiers, avant que de pointer, plus tard, d'autres petits groupes de figurines dont j'entends la petite voix me dire « et nous, et nous, emportez-nous aussi! ».


lundi 10 décembre 2007

Tristes espions

Faire sonner à mes oreilles le nom de Venise éveille immédiatement mon attention (j'ai dû recevoir un conditionnement pavlovien !), et je suis également curieux de ce qui touche aux histoires d'espions. Alors, pensez, en découvrant, lors de ma première lecture des aventures de Giacomo C., il y a bien des années, la référence bibliographique à un livre intitulé Les agents secrets de Venise, je n'ai pu que m'écrier : « celui-là, il me le faut ».


Avant de feuilleter le livre, j'avais espéré y trouver les récits des grenouillages de la diplomatie secrètes de Venise dans les corridors des palais et les ruelles sombres des puissances européennes ou turque au Settecento. Mais c'est de bien autres espions que traite ce livre. Des espions presque tristes. Les textes choisis par Giovanni Comisso sont en effet tirés des archives du Conseil des Dix, autorité suprême de la Sérénissime : ce sont des billets que ses « confidents », délateurs patentés mais jamais anonymes pour être recevables, déposaient dans les « bouches de lion », ces boîtes à lettres destinées à recueillir ces confidences.


Cependant, si l'on peut ressentir quelque tristesse à voir ces citoyens, dont certains fort bien nés, chuchoter aux oreilles des inquisiteurs les turpitudes de leurs voisins, le livre fait tout de même ressortir que la plume de certains de ces confidents ne manquait pas de style, de mordant, d'ironie. Ces dénonciations dessinent en creux un portait de Venise et des Vénitiens, dans leurs activités tant publiques que privées. Et l'on se surprend à parcourir le livre de ci de là, sautant quelques pages, revenant en arrière, comme l'on passerait dans les rues et sur les canaux en tendant une oreille indiscrète.

Ecoutez ces chuchotements, il vous feront découvrir Venise autrement.



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Giovanni Comisso, Les agents secrets de Venise, 1705-1797, éditions Le Promeneur / Quai Voltaire, 1990, ISBN 2-87653-084-8

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dimanche 9 décembre 2007

Un énigmatique capitaine

Je n'aurais pas la prétention de dire que j'ai lu tout Dumas, mais force m'est de reconnaître que j'ai été surpris de découvrir, aux éditions Alteredit, un roman d'Alexandre Dumas ancré dans le dix-huitième siècle et dont je n'avais pas entendu parler jusque là : Le Capitaine Paul (alteredit, 2007, ISBN 978-2-84633-157-9). Format de poche, prix tout à fait accessible, je n'avais aucune raison de ne pas me laisser tenter.

Arrivé au bout de la lecture de ce roman, me voici bien surpris. Ce roman de Dumas, que sa quatrième de couverture qualifie de « roman d'aventures », est un peu éloigné des aventures plus trépidantes servies dans d'autres oeuvres dumassiennes plus connues. L'intrigue est plutôt classique, dans la tradition des romans où l'on redresse les torts faits dans les intrigues familiales : redonner un rang et un titre à un proscrit, favoriser un mariage d'amour, etc. Et les aventures ne sont pas vraiment portées par une vague trépidante. Cependant, les intrigues de salon ne manquent pas d'un certain cachet.
Et, sans pour autant dévoiler ce qui se trame dans l'ombre, je dirais que j'ai été assez surpris de trouver, sous le nom de ce capitaine Paul, un personnage historique que je connaissais bien par ailleurs, le corsaire américain John Paul Jones.

Si vous cherchez un roman avec de la cape et de l'épée, vous ne trouverez pas beaucoup d'épée dans celui-ci. Mais si vous appréciez les redresseurs de tort et les vieux secrets de famille, alors vous avez là de quoi passer un bon moment.

jeudi 6 décembre 2007

Polichinelle bien servi

Suis-je à ce point victime de l'influence des images sur mon pauvre esprit ? Pour attirer ma curiosité puis me faire acheter un produit, suffit-il de glisser sous mes yeux quelque détail d'un tableau de Boucher ou de Tiepolo ? Ou même simplement de quelque chose qui pourrait ressembler à du Tiepolo ?

Il faut croire que oui. C'est en effet l'illustration de la pochette qui m'avait conduit, voici un an ou deux, déjà, à prendre en main et à écouter des extraits de ce Pulcinella vendicato (Polichinelle vengé) du compositeur Giovanni Paisiello (1740-1816), dans l'interprétation par la Cappella de'Turchini, sous la direction d'Antonio Florio (chez Naïve, label Opus111, ASIN B00006IWQP).

Paisiello, bien que natif de Tarente, est une des figures de l'opéra napolitain, Naples étant la ville où il a perfectionné le talent et l'art que ses premiers maîtres avaient décelés en lui.
Ce Pulcinella vendicato est une oeuvre en un acte, basée sur la pièce en prose éponyme, de Francesco Cerlone. La rencontre du texte de Cerlone et de la musique de Paisiello, probablement en 1770, fut si brillante que, selon les mots mêmes de Cerlone, « [cette pièce] fut mise en musique par le très célèbre D. Giovanni Paisiello, et cette rencontre fut tellement heureuse que la pièce fut jouée pendant quarante soirs et avec elle s'acheva le Carnaval ».


Dès la première écoute du disque, j'ai été conquis par cette musique, alors que je n'avais, jusque là, pas vraiment connaissance de l'opéra napolitain. Cette farce en un acte conserve tous les traits de la commedia dell'arte et offre une brochette de personnages truculents. J'avais acheté le disque après en avoir écouté quelques extraits, et y avoir été encouragé par ma disquaire préférée. Ce n'est que plus tard que j'ai découvert une critique tout à fait élogieuse de cette interprétation-là :
"Cette oeuvre courte, à l'écriture dense et rondement menée, est caractérisée par des arie assez brèves, très contrastées et chantées en toscan, en napolitain ainsi qu'en un langage étrange qui semble un mélange des deux. Côté chanteurs, le timbre fruité de Roberta Invernizzi (Carmosina) et l'irrésistible abattage de Giuseppe Naviglio qui "cumule" les rôles de Coviello et du Mage font merveille, mais tous les protagonistes seraient à citer tant l'esprit de troupe qui les anime aboutit à une sorte de jubilation, aussi grande sans doute que celle de l'auditeur. L'orchestre brillant, endiablé, suave et coloré, n'est pas le moindre atout de cet enregistrement, que l'on peut recommander, sans aucune réserve, comme un remède absolu à la morosité."

Voilà qui n'a pas manqué de me conforter dans l'idée que j'avais fait un bon choix.

Pour en savoir plus sur l'opéra napolitain, allez donc flâner sur le site d'un passionné. Ses mots d'accueil vous diront que vous ne vous êtes pas trompés en frappant à sa porte :
"Si vous aimez Watteau, Fragonard et Chardin, Guardi et Canaletto, Gainsborough et Hogarth, vous adorerez Piccinni, Tretta, Paisiello, Cimarosa et Martin y Soler, les principaux compositeurs d'opéra napolitain. Si les opéra de Mozart vous fascinent, vous allez découvrir avec étonnement d'autres Noces et d'autres Cosi".
Un site qui m'a apporté bien des lumières sur ce courant de création musicale.

[Je me permets toutefois de pester contre les gens qui créent des sites internet avec des outils qui rendent les pages particulièrement difficiles à lire sous d'autres navigateurs que celui du quasi-monopole, du fait des nombreux caractères spéciaux non compatibles avec des navigateurs différents.]

En attendant de trouver un enregistrement de son Barbier de Séville, dont certains disent qu'il surpasse celui de Rossini, je m'en retourne chantonner la sérénade de Pulcinella à Carmosina :

Gioia de st'arma mia cara nennella: mia luna nsestagesima, mbriana, mia luna nsestagesima, mbriana. Abbascio cca' nce sta Pollocenella, Pollocenella; ca te sona de core la Diana.

Joie de mon âme, chère enfant
ma pleine lune, ma fée tutélaire :
en bas, il y a Polichinelle qui te chante
une sérénade de tout son coeur


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mardi 4 décembre 2007

Questions domestiques


F
ouillant, à mon habitude, les bacs d'un bouquiniste bayonnais installé un jour de brocante sur le carreau des halles, j'ai mis la main sur un livre dont je découvrais l'existence ce jour-là, n'ayant pas eu souvenir de l'avoir repéré dans la bibliographie d'autres lectures. Peut-être mes yeux étaient-ils passés sur son titre sans s'y être atttardés ?

Toujours est-il que me voici désormais possesseur de Figaro et son maître, Les domestiques au XVIIIe siècle, de Jacqueline Sabattier (Editions Librairie académique Perrin, collection Pour l'histoire, 1984, ISBN 2.262.00335-1). La préface signée François Bluche n'a pas été étrangère à mon achat, car je tiens (à tort ou à raison, je ne sais) ce monsieur en assez haute affection.

Ce Figaro et son maître, ouvrage qui choisit de regarder la domesticité avec un regard social, dresse un portrait de cette partie de la population urbaine qui remet en question, en partie, l'image un peu caricaturale héritée de la littérature et du théâtre du XVIIIe siècle. En partie seulement, car romans et pièces, s'ils grossissent le trait, se nourrissent toutefois de réalité. Le livre de Jacqueline Sabattier brosse un portrait de la domesticité en en faisant ressortir les différentes facettes, se refusant à la généralisation facile ; il traite non seulement de l'état de domestique, mais également du rôle ambigu de la religion à ce sujet ou des relations à la fois distantes et intimes entre maîtres et domestiques.

S'appuyant sur des sources contemporaines, dont des archives privées (actes notariés, correspondances, mémoires), Figaro et son maître est un livre bigarré, vivant. Après l'avoir lu, vous regarderez peut-être d'un autre oeil Figaro ou Gil Blas.

Pour cet ouvrage, J. Sabattier a reçu le prix Biguet en 1985.


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Si j'en crois les prix que j'ai relevés sur quelques sites internet de vente de livres d'occasion, mon achat a été une bonne affaire, puisque j'ai déboursé une somme cinq à six fois inférieure à ce que je vois sur ces sites, et ce pour un ouvrage en très bon état. Une bonne affaire en guise de retour pour mon respect pour la gent domestique ? ;-)

lundi 3 décembre 2007

Un bon dernier



Pour que ce mois de décembre télévisuel soit vraiment dix-huitiémiste, il ne manquait plus qu'un film d'aventures épiques.

Et c'est TMC qui nous l'offre (enfin, quand je dis « nous », je veux dire « ce qui pouvons recevoir cette chaîne »), avec Le dernier des Mohicans, de Michael Mann (1992), le 10 décembre prochain. Au risque de vous faire sourire, je reconnais que ce que j'avais retenu de ce film, la première fois que je l'ai vu au cinéma, c'est la sensation, même si j'étais assis, d'avoir couru, tout le long du film. De m'être senti emporté par la course, notamment celle d'Oeil-de-Faucon. Et par la musique, entêtante, lancinante, un peu à la manière de la Sarabande de Haendel dans Barry Lyndon.

J'ai également été pris par la beauté de paysages à couper le souffle, superbement mis en valeur par la photographie, la sensation que tout est extrême, la violence comme la passion, la fureur comme le calme.

Enfin, j'ai trouvé que dans ce film, les Indiens ont une place, un rôle, qui évite les extrêmes dans lesquels le cinéma états-unien les a parfois (souvent ?) conduits : ni caricature frisant le racisme, ni angélisme déplacé, ces Indiens sont comme vous et moi, ni meilleurs ni pires, animés des mêmes sentiments bons ou mauvais, raisonnables ou irraisonnés.

Les romans de Fenimore Cooper avaient été une de mes portes d'entrée vers ces contrées fascinantes, vers cette guerre à la fois en dentelles et en mocassins, vers ces passions humaines universelles. Le film de Michael Mann, bien des années après ces lectures, m'a emporté dans un autre tourbillon, tout aussi extraordinaire.
Reprenant alors les romans en main après avoir vu le film, j'ai pu remarquer les entorses que le scénario du film de Mann a faites au récit du roman. Le film fait passer l'histoire d'amour entre les deux « Européens » (Oeil-de-Faucon n'est pas tout à fait un Indien) au premier plan, sans compter les écarts pris par le film de Michael Mann avec le roman dans les relations entre les différents personnages - surtout entre Nathanael, Cora, Alice et Uncas.

Or, si j'ai bien ressenti ce que Fennimore Cooper voulait faire passer dans son livre, c'est l'histoire indienne qui devrait être au centre du récit, et plus particulièrement celle de la fin de cette tribu des Mohicans ; en outre, Oeil-de-Faucon est, sous la plume de Cooper, un personnage plutôt individualiste et sans attache amoureuse. Michael Mann a-t-il, sciemment ou pas, donné la priorité à la romance et édulcoré le message du roman, qui dénonçait, à sa manière, l'impact que les guerres entre Européens ont eu sur les peuples indigènes (et encore, Fenimore Cooper n'a pas connu la quasi-extermination des Indiens d'Amérique du Nord durant la deuxième partie du XIXe siècle) ?

Je ne saurais trancher la question. Alors je préfère la contourner, et vous recommander tout à la fois de lire le roman et de regarder le film. Ils ne disent peut-être pas la même chose, mais pourquoi se priver de l'une ou l'autre de ces deux belles œuvres ?

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dimanche 2 décembre 2007

Un Scaramouche exceptionnel

Décidément, la télévision semble s'être mise a XVIIIe siècle, pour ce mois de décembre. Le 10 décembre prochain, Arte diffusera à 20h40, le Scaramouche de George Sidney (1952).

Si ce film est largement connu pour son duel d'escrime final (un des plus longs jamais filmés), il ne faut certainement pas s'arrêter à cela. Les personnages campés par Stewart Granger, Eleanor Parker, Mel Ferrer sont succulents, et je regrette que Janet Leigh ne soit pas mieux mise en valeur. La photographie, en Technicolor est splendide.
Le scénario de Ronald Millar ne respecte pas à la lettre le roman de Rafael Sabatini, Scaramouche, dont il s'est inspiré. Mais, tout comme Dumas trahissait l'Histoire pour lui faire de beaux enfants, ce film trahit le roman pour en faire un chef-d'oeuvre, un des très grands moments du cinéma, qu'il soit de cape et d'épée ou pas.


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Pour l'anecdote, Arte va diffuser 6 films, dont ce Scaramouche, dans le cadre d'un cycle de cape et d'épée du 10 au 18 décembre.

Toujours pour l'anecdote, George Sidney avait également réalisé un autre grand film du genre de cape et d'épée :
Les trois mousquetaires (1948), avec Gene Kelly et Lana Turner, l'adaptation de ce roman la plus brillante (et qu'importe qu'elle ne soit pas toujours fidèle, là non plus), à mes yeux.

Naturaliste et philosophe

La télévision sait tenter de nous abreuver d'inepties destinées, selon les mots cyniques mais sincères d'une de ses promoteurs, à rendre nos cerveaux disponibles pour les messages publicitaires. Mais, fort heureusement, il reste quelques créneaux diffusant des émissions nageant au-dessus de cette fange.

Sans pouvoir préjuger entièrement de la qualité de cette émission, mon regard a été attiré par le programme proposé sur France 5, le lundi 3 décembre, à 21h35 : Buffon, le penseur de la nature, un docu-fiction de Philippe Tourancheau.
Il y a peut-être, là, quelque espoir de passer un bon moment, à la découverte d'un personnage illustre non sans raison.


Georges Jean Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), intendant du Jardin du roi, a écrit et laissé à la postérité son extraordinaire Histoire naturelle, générale et particulière, synthèse des connaissances de l'époque dans les sciences naturelles : trente-six volumes dont la publication s'étalera de 1749 à 1788. Une oeuvre célébrissime et pourtant, à bien y regarder, c'est plus l'oeuvre d'un vulgarisateur que celle d'un réel observateur ou expérimentateur. Il porte sur les expérimentateurs un regard quelque peu méprisant, et soumet même le fait d'étudier quelque chose à l'utilité qui pourra être tirée de ce qui est étudié (voir son Discours de la manière d'étudier et traiter l'histoire naturelle).
Autre face du personnage, il est un philosophe des Lumières, osant par exemple séparer l'histoire de la Terre de la Création professée par l'Eglise, ce qui vaudra aux premiers volumes de son Histoire naturelle d'être censurés par ladite Eglise.

Si vous regardez bien son année de naissance, vos remarquerez que 2007 marque le tricentenaire de sa naissance. C'était le 7 septembre dernier. Et pourtant, il ne me semble pas que nous en ayons beaucoup entendu parler sur les ondes. Je souhaite que le téléfilm diffusé demain arrive à donner aux quelques curieux qui le regarderont l'envie d'en savoir plus sur ce génial vulgarisateur, un de ceux qui ont instillé en moi, voici bien des années, le goût des sciences naturelles.


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Si vous en avez le temps et l'envie, consultez l'édition en ligne de cette Histoire naturelle, sur un site dédié à Buffon par le CNRS.
Pour quelques informations complémentaires sur le docu-fiction, dirigez vous vers le site de France 5 (ici et ).

mercredi 28 novembre 2007

Oiseau de proie

Il est des oiseaux de proie que l'on ne s'attend pas à trouver sur une côte battue par la houle d'Ouest, et encore moins directement sur les flots. Ainsi en est-il de l'épervier, plutôt familier des prés, des haies et des bosquets.

Et pourtant, ce n'est pas le goéland que Pellerin a choisi pour désigner le héros de sa série de bandes dessinées, mais bien l'épervier. Épervier, même, avec un É majuscule. C'est ainsi qu'est surnommé Yann de Kermeur, breton (comme son nom l'indique) et corsaire (aurait-il pu en être autrement pour un aventurier breton de ce presque-mitan du XVIIIe siècle ?).
Un corsaire, des navires, un héros chevaleresque, de sombres secrets, il y a, dans cette série, de quoi me séduire a priori. Et pourtant, il m'a fallu quelque temps pour qu'elle me séduise vraiment. Cela n'a pas été le coup de foudre, plutôt une sorte d'affection construite peu à peu, au fil des pages, au fur et à mesure de la découverte.

Pourquoi ai-je donc été plutôt tiède au début ? Probablement parce que l'ouverture de cette série se fait sur des bases si classiques qu'elle en devient trop classique : le héros recueille les derniers mots d'un mourant, est accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis, est victime des manigances du vrai coupable, etc. Bref, une impression très claire de déjà vu, déjà lu. Le dessin et les couleurs étant d'un grand classicisme eux aussi, il n'y a pas vraiment d'élément qui ait réussi à me surprendre.


Fort heureusement, le récit prend un peu de profondeur, au cours des tomes, même si les péripéties sont parfois tirées par les cheveux, avec des rebondissements presque artificiels. Presque du Fajardie, oserais-je dire (au risque de voir arriver, rapière en main, Andromède qui me jettera son gant pour m'être laissé aller à cette pique-clin-d'oeil). Par moments, j'ai l'impression que Pellerin se laisse prendre à son plaisir de dessiner, que ce soit les scènes maritimes ou les vues terrestres, et que l'intrigue en passe au second plan ; un risque qu'il évoque, d'ailleurs, dans une interview.

En matière de BD, je suis pourtant à l'aise dans la facture classique, ayant été en partie nourri de la collection « Vécu » de chez Glénat. Mais il manque à cet Épervier une petite touche de différence, de force, d'audace, peut-être. Sans aller jusqu'au trait de Marini pour le Scorpion, il y avait peut-être de l'espace pour un peu plus d'originalité. Évidemment, se lancer dans un scénario à forte connotation maritime dix-huitiémiste, c'est prendre le risque de la comparaison avec Les passagers du vent de Bourgeon, un sommet (LE sommet ?) du genre à ce jour.
Toutefois, le fait qu'il y ait des sommets, des virtuoses, ne doit pas empêcher qui que ce soit de tenter d'ouvrir sa propre voie. Pellerin a ouvert la sienne, et je ne boude tout de même pas mon plaisir. S'il lui manque un petit grain de folie, cette série ne mérite pas qu'on lui tourne le dos.


Le livre que je trouve presque le plus intéressant est celui qui ne fait pas partie de la série à proprement parler. Les archives secrètes nous dévoilent ce que les albums de la série laissent entrevoir ou deviner, ce qui a façonné l'Épervier.





Alors, suivez l'Épervier, et profitez du voyage.


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Pour aller plus loin dans la découverte du style graphique de Pellerin pour cette série L'Epervier : quelques ex-libris et une série de croquis, et le livre Sur la dunette avec Pellerin qui explique plus largement son travail.



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PS : si j'ai adressé une petite pique souriante dans ce billet à Andromède, je me dois de préciser que c'est elle qui, par un amical « coup de coude » - selon ses propres termes -, m'a fait remarquer que je n'avais rien dit, jusque là, de cette série dans mes colonnes. Ce billet est, d'une certaine manière, un remerciement.

dimanche 25 novembre 2007

Bandits, bandits

Au détour d'un rayonnage de bouquiniste, j'ai mis la main sur un livre réunissant, sous une même couverture, deux bandits célèbres du XVIIIe siècle, deux Louis : Louis Dominique Bourguignon dit Cartouche, et Louis Mandrin.

Tous deux sont nés dans des familles plutôt aisées, des artisans pour Cartouche et des négociants pour Mandrin. Cependant leurs vies vont bientôt les conduire sur les chemins du crime et à la tête de bandes redoutées, mais dans des voies différentes : quand Cartouche se spécialise plutôt dans le vol et le cambriolage, Mandrin joue la carte de la contrebande et de la lutte contre la Ferme générale.

Leurs chemins se rejoignent d'une certaine manière, à 34 ans d'intervalle : Cartouche, en 1721, et Mandrin, en 1755, finiront tous deux leurs jours roués vifs.
Les récits de leurs contemporains ont brossé leurs légendes respectives, les uns les noircissant, les autres les portant aux nues. Mandrin fera l'objet d'une complainte arrivée jusqu'à nous, née dans un opéra de Rameau, et Cartouche eut droit à la sienne également.

Le livre de Fernand Fleuret, Vies de Cartouche et Mandrin (Editions Cartouche, 2006, 2-915842-16-7) dépeint ces deux personnages d'après les livres de colportage. Je ne saurais dire s'il faut y chercher une « vérité » sur l'un ou l'autre, pour autant qu'il y en ait une. J'ai lu ce livre sans autre envie que celle de me divertir avec ces histoire de brigands et, sur ce point-là, je n'ai pas été déçu.

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Pour aller plus loin :
Quelques pistes internet pour aller plus loin, vers Cartouche () et vers Mandrin (ici, et encore ).
Pour une idée du reste du catalogue des éditions Cartouche, voir .

mardi 20 novembre 2007

Deux frères, une haine, un coup de coeur

J'avais consacré un billet aux diverses adaptations en bande dessinée du roman de Robert Louis Stevenson, L'île au trésor.

Un autre roman de Stevenson ayant pour cadre le XVIIIe a été adapté lui aussi en BD. Probalement moins connu du grand public que L'île au trésor, Le maître de Ballantrae conte une histoire poignante, prenante, celle d'un père et ses deux fils se déchirent, en 1745, autour de la question de la fidélité au roi Georges ou du soutien au prétendant Charles Édouard Stuart, chassé du trône anglais en 1688 et souhaitant le reprendre.
Qui doit soutenir le roi ? L'aîné, sur les épaules de qui repose le destin de la famille ? Ou le cadet, alors que son frère veut rejoindre les rangs jacobites ?
Les frères sont comme deux faces d'une même monnaie, l'un amoral mais respecté, l'autre vertueux mais mal-aimé. Deux branches d'un même arbre, d'un même bois, et qui seront rongées, toutes deux, par le feu d'une même haine.

L'adaptation en BD par Hippolyte (chez Denoël ; voir la fiche sur le site de la Bédéthèque ) garde toute l'intensité du récit très prenant, en la soutenant par un graphisme original et éblouissant, tout en aquarelles.
Le premier tome, il y a un an, m'avait séduit. Le deuxième, tout récent, a achevé de me conquérir.


Un de mes grands coups de coeur !








Et comme j'aime bien tirer sur la ficelle pour dévider l'écheveau, j'ai gratté deci delà pour en savoir un peu plus sur l'art d'Hippolyte. Et, disons-le franchement, pour les gens comme moi qui fondent pour les aquarelles et les croquis, il y a là de quoi fondre et refondre. Allez donc visiter par vous-même son site internet, son ancien blog et son blog actuel.



Si je ne craignais pas la vengeance éventuelle du fantôme d'Hugo Pratt, je dirais que j'ai trouvé là, dans les aquarelles d'Hippolyte, autant de force et de plaisir que dans celle du père de Corto.



[Les illustrations de ce billet sont publiées ici avec l'aimable autorisation d'Hippolyte. Qu'il en soit remercié ici.]

vendredi 9 novembre 2007

Une tranche de Casanova

Parcourir la toile à la recherche des traces de Casanova m'amène parfois à tomber sur des articles qui me font rire. Pour celui du jour, il ne s'agit pas d'un rire moqueur, mais bien d'un rire franc, né à la lecture du message de « Rach » sur son blog, message dans lequel est publiée la photographie des tranches de tomes d'une édition anglophone de l'Histoire de ma vie de Casanova, chez un bouquiniste de Picadilly Circus. La question implicite qui me fait rire est « mais où est donc passée la tranche qui manque ? ».

Regardez donc cette photo-là et comparez-la à celle-ci :

L'édition anglophone en question est celle due aux Presses de l'Université John Hopkins (The Johns Hopkins University Press, 1997, ISBN-13 : 978-0801856648).








Pour découvrir cette Histoire de ma vie dans une excellente édition française, suivez le guide.

vendredi 2 novembre 2007

Venise en chansons

Za che semo qua a sta tola,
su, che'l spirito ghe mola
per star sempre in alegria
co sta cara compagnia
Via, tuti cantè insieme
quelo che canto mi:
viva les done tute,
sia zoveni d'età,
sia bele o brute

Puisque nous sommes ainsi en bonne compagnie, chantons ensemble; vive toutes les femmes, quelles soient jeunes, belles ou laides.

Au détour de références bibliographiques, il arrive que l'on soit aiguillé vers quelque chose qui sorte des sentiers battus. Ce fut le cas pour moi avec ce disque de Nella Anfuso, Canzoni Veneziane (Anonimi del XVIII sec.) (2000, Stilnovo, ASIN B000050HPS).
Avec ces chansons vénitiennes tirées des manuscrits du Musée Correr et de la Bibliothèque Querini-Stampalia de Venise, nous embarquons pour la Sérénissime, dans des interprétations ornementées et variées selon la coutume de l'époque. La part faite à la virtuosité vocale et aux ornementations peut surprendre, voire refroidir, car l'on souhaiterait, parfois, goûter la mélodie plus simplement.
Mais ce voyage musical est très original et, que voulez-vous, je me laisse facilement embarquer quand il s'agit de Venise.

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Deux pages à partir desquelles vous pourrez écouter des extraits de ces chansons : ici et .

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vendredi 26 octobre 2007

Un Don Giovanni magistral ?

Sur les conseils de ma disquaire du réseau Harmonia Mundi, je vais probablement me laisser tenter par un coffret du Don Giovanni de Mozart, sous la direction de René Jacobs, en « opération découverte ».

C'est d'abord la présentation du coffret qui a attiré mon regard, avec Le faux-pas de Watteau en guise d'appât. Et ce format allongé, à la façon des livres de chez Actes Sud, promesse de « plusieurs CD » et d'un beau livret.
Je ne suis pas aussi doué que les critiques et les musicologues pour vous vanter les mérites ou pointer les défauts de cette édition-là. Bien sûr, la page de présentation par l'éditeur est élogieuse, certains articles de magazine ou pages internet saluent cette version (ici, ou encore , par exemple), mais j'ai lu ici et là des commentaires moins flatteurs (par exemple ).

Alors, craquer, ne pas craquer ? Telle est la question.

jeudi 25 octobre 2007

Liaisons électroniques

Dubitatif, voilà comment je me trouve après avoir découvert ce site qui propose de « [recevoir] par mail les lettres des Liaisons dangereuses au rythme où elles ont été écrites, [suivre] le roman en temps réel ».


Je ne vis pas hors de mon temps et je conçois fort bien l’usage du courrier électronique comme outil de communication. Mais j’ai du mal à percevoir l’intérêt de ce qui est proposé par ce site. Non pas que le roman épistolaire de Choderlos de Laclos ne me plaise pas, mais j’incline à penser que le fait de recevoir ces lettres par courrier électronique leur ferait perdre leur saveur. Autant ses adaptations cinématographiques m’ont conquis, autant le format du courrier électronique me laisse de marbre, a priori.
Je n’aurais peut-être pas dit « non » à des fac-similés de lettres manuscrites, mais je crains la froideur d’un texte « au kilomètre », impersonnel et sans mise en forme.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

mardi 23 octobre 2007

Loin du fait divers


E
n achetant le livre de Jean-Pierre Allinne, L'anthropophage des Pyrénées, Le procès de Blaise Ferrage, violeur et assassin au XVIIIe siècle (éditions Cairn, 2005, ISBN 2-35069-031-2), je caressais l'espoir que ce ne soit pas une sorte de récit à sensation brodant autour d'un fait divers qui avait fait les beaux jours des journaux de l'époque et des colporteurs. Le fait que l'auteur soit un professeur d'histoire du droit à l'Université de Pau et des pays de l'Adour avait contribué à me rassurer a priori.

Me voici arrivé au bout de la lecture de cet ouvrage, et force m'est de reconnaître qu'il a dépassé mes espérances. Car là où je pensais ne trouver qu'une chronique juridique ou judiciaire, j'ai trouvé un ouvrage à la portée plus ambitieuse. En effet, en utilisant les crimes de Blaise Ferrage comme porte d'entrée, Jean-Pierre Allinne nous fait découvrir un panorama très large, allant de la vie dans les vallées de l'Ariège dans les années 1780 jusqu'au processus judiciaires prévalant à cette époque.

Le chapitre « Terre pyrénéenne » permet de comprendre la spécificité de ces vallées, tant dans leur conformation morphologique que dans leur vie sociale organisée autour de la maison, de la famille et de la communauté, et dans leurs systèmes de représentation déclinants.

Le chapitre « Insistante violence » remet les crimes de Blaise Ferrage (surtout des viols) en perspective avec les violences de ce temps-là et l'acceptation ou la non-acceptation de certains actes par la société du XVIIIe siècle en général et la société valléenne ariégeoise en particulier. Un temps où il importe moins, aux yeux de ce groupe social, de violer une fillette gardienne de vaches que de brûler une étable et les vaches qu'elle abrite.

Les chapitres « L'homme sauvage » et « L'ogre mondain » mettent en relief la façon dont une certaine élite urbaine portait un regard méprisant sur le petit peuple rural, à la fois vecteur de peurs contemporaines et écho de peurs ancestrales, et la manière dont la société de ce temps-là, friande du malheur des autres qui lui fait oublier le sien, se délectait de ces récits horribles tout en pointant du doigt ces perversions réprouvées par la morale.

Avec le chapitre « Le procès », l'auteur nous brosse non seulement le portrait des différentes étapes de cette procédure judiciaire, mais également les complexes relations entre justice locale et justice royale, les démêlés ouverts ou cachés entre accusateurs et accusés, et les réflexions de l'époque autour des vertus pédagogiques, si j'ose dire, des formes de punition des délinquants.

Cet ouvrage, qui me semble accessible à tout lecteur même s'il n'est, comme moi, ni juriste ni sociologue, est donc très prenant à lire. Je dirais même à dévorer, car c'est ainsi que j'ai ressenti le plaisir à le lire. Le dévorer n'a pas fait de moi un anthropophage, pas plus que ne l'était Blaise Ferrage, qui avait déjà assez de poids à porter avec ses viols, son meurtre et ses incendies.


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Découvrez la fiche du livre.
Et glanez quelques détails sur les éditions Cairn (n'hésitez pas à consulter leur catalogue, qui contient des titres très intéressants).



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dimanche 21 octobre 2007

Messieurs les Anglais, mourez les premiers

Si vous voulez mourir sans attirer l'attention, faites-le loin du regard scrutateur de Nicolas Le Floch, l'infatigable et perspicace commissaire aux affaires embrouillées. Ce n'est pas le choix qu'a fait l'évadé de la prison de Fort-L'Evêque, mort dans la rue au pied même de la fenêtre de sa cellule. Bien lui en a pris, dirais-je, puisque sa mort nous ouvre les portes de la septième enquête de Nicolas Le Floch, sous la plume de Jean-François Parot, Le cadavre anglais (éditions JC Lattès, 2007, ISBN 978-2-7096-2867-9).

Je ne vous dirai pas grand-chose de plus de l'intrigue de ce roman, si ce n'est pour vous dire que je l'ai trouvée fort plaisante. Certains de mes domaines de prédilection m'ont permis de deviner quelques éléments de l'intrigue avant que l'auteur ne les dévoile aux lecteurs, mais cela n'a rien retiré à l'intérêt de l'enquête. Je dirais même que cela m'a rendu encore plus curieux et encore plus impatient de connaître les dessous de l'affaire.
Parallèlement à l'intrigue elle-même, j'ai eu l'impression que ce récit était mieux conduit que certains autres de la série. Peut-être n'est-ce qu'une impression, nourrie du fait que je connais les différents personnages récurrents, une peu comme si je retrouvais un groupe d'amis ?
Quoi qu'il en soit, cette nouvelle aventure policière en compagnie de Nicolas Le Floch m'a confirmé dans le bien que je pense de cette série et que j'ai déjà eu l'occasion de dire dans ces billets.

Laissez-vous tenter de lui emboîter le pas dans cette aventure embrumée. Et si elle ne vous plaît pas, vous pourrez toujours venir pester ici contre moi qui vous l'aurai conseillé !

mardi 16 octobre 2007

Lames casanoviennes

Je ne suis pas le dernier à dire que réduire Casanova au libertinage revient à se focaliser sur certains aspects seulement de son existence pour en oublier bien d'autres. Et, s'il y a bien une pratique qui me laisse totalement de marbre, c'est bien la cartomancie (tout comme les autres "arts" divinatoires, soit dit en passant).

Mais, par ailleurs, je suis toujours curieux de belles choses, et notamment de beaux jeux de cartes. C'est donc sans souci que je vais mettre en lumière le tarot casanovien de Mario Pignatiello et Luca Raimondo.



Les illustrations de Luca Raimondo que j'en ai vues sur quelques sites (par exemple celui-ci, celui-là ou encore celui-là - attention, certaines images sont destinées à un public adulte) ne sont pas sans me rappeler le style de Griffo, qui dessine la série de BD Giacomo C dont j'ai déjà parlé.



Il n'est donc pas impossible que je l'achète prochainement, pour compléter ma petite collection casanovienne. Plutôt que de jouer avec, j'essaierai de trouver une façon de présenter quelques cartes sous formes de petits tableaux, peut-être des triptyques.

Quelques autres éléments en italien sur le site de son éditeur Lo Scarabeo et en français sur cette page-là.

dimanche 14 octobre 2007

Géodésie, vous avez dit géodésie ?

Dans ce même numéro n°122 de la revue Antiquité Brocante, d'octobre 2007, un court article est consacré aux instruments de géodésie, c'est-à-dire de mesure de la Terre. Même si je ne suis pas géomètre de métier, mon regard est attiré par ce genre d'objets, surtout en les mettant en perspective avec le XVIIIe siècle, cette période où l'on continue à découvrir des terres inconnues et où l'on décrit, mesure, cartographie les terres déjà connues.

L'article indique que les « signatures » les plus recherchées sont celles d'Etienne Lenoir (1744-1832), Claude Langlois (1720-1758) ou encore Nicolas Bion (1652-1733). En voyant un instrument comme celui-ci, comment ne pas être convaincu, en effet ?



Image : Cercle répétiteur n° IIII, modèle de Borda, Étienne Lenoir, Paris, (optique de Noël Jean Lerebours, Paris), 1791-1792, photo M. Heller, 1995, Inventaire général - ADAGP, Patrimoine Observatoire de Marseille (Musée de l'Observatoire de Marseille) [voir la page de source ]

Prendrez-vous un verre ?

Il est bien rare que j'achète des revues dans ce domaine, mais le n°122 de la revue Antiquité Brocante, d'octobre 2007, a su retenir mon attention, avec sa couverture sur la verrerie du XVIIIe.

Comme je me méfie souvent des couvertures qui promettent et des articles qui ne tiennent pas les promesses, j'ai pris la précaution de feuilleter le magazine avant de l'acheter. L'article n'est peut-être pas fracassant pour un spécialiste du sujet mais, comme je n'en suis pas un, j'ai trouvé qu'il offre une porte d'entrée didactique par son texte et par ses illustrations d'objets très variés de pichets aux lampes en passant par des verres et des loupes de dentelières.

Je ne sais pas si ce premier regard fera de moi un futur acheteur de verrerie du dix-huitième, mais il aura eu le mérite d'éveiller ma curiosité.

samedi 6 octobre 2007

Infidélité mais pas abandon

Certains d'entre vous s'en seront peut-être rendu compte s'ils sont passés par la page présentant mon « profil » : j'ai ouvert un autre carnet de voyage, qui n'est pas dix-huitièmiste, celui-là.

Tandis que mes billets ici sont placés sous l'ombre du tricorne de Giacomo Casanova, mon autre carnet de bord – tout juste naissant – s'écrit dans le sillage de Corto Maltese.
Cet autre voyage ne signifie nullement que je compte abandonner le dix-huitième siècle, et je mènerai de front ces deux aventures dans un même esprit : la curiosité et le partage.

jeudi 4 octobre 2007

Casanova en musique ?

Ma connaissance de la langue de Goethe était quasiment limitée aux quelques mots que j'ai appris dans La grande vadrouille, je suis bien en peine de comprendre un texte allemand.

Aussi, je me tourne vers vous, à la recherche de quelqu'un qui pourrait traduire les grandes lignes de ce qui est raconté, sur cette page-là, à propos de ce disque qui semble mettre en musique des extraits des Mémoires de Casanova.

Toute contribution se verra récompensée par mon immense gratitude. ;-)