samedi 19 mai 2007

Un goût de vase de la lagune

J’ai lu, voici quelque temps, Le piège de Dante, d’Arnaud Delalande (Grasset, 2006, ISBN 2-246-66041-6).

L’argumentaire de ce « roman policier historique » avait de quoi m’allécher. Pensez donc : une série de meurtres peu ordinaires en plein coeur de Venise au milieu du XVIIIe siècle. Je me suis donc précipité dessus, tel un papillon de nuit se jetant sur la flamme d’une lampe. Mais, si la façade de ce palazzo vénitien avait de quoi attirer mon oeil, sa visite m’a laissé un goût de vase.

Les plus :

Bien sûr, j’ai apprécié de me trouver plongé dans cette Venise du Settecento, brillant de mille feux et pourtant rongée de l’intérieur, étoile filante couverte des ors d’un passé glorieux et fonçant vers un funeste avenir.

J’ai également apprécié les coins de Venise et des îles de la lagune dans lesquels nous entraîne l’auteur, et dont il arrive à faire palper les couleurs, les sons, les senteurs.

Les moins :

Malheureusement, la rubrique « les moins » est bien plus fournie, à mes yeux, que la rubrique « les plus ». Voici les principaux points qui m’ont gêné dans ce roman :

- le personnage central du livre est une sorte de copie de Casanova. Le célébrissime Vénitien est d’ailleurs présent dans le roman, mais uniquement pour dire « le héros du roman est pareil à Casanova ». Et ça a fini par me lasser, parce qu’il y a trop de ressemblances tant avec des éléments des Mémoires de Casanova, qu’avec la série de BD Giacomo C (dont je ne cache pas que je suis grand fan et que je connais donc plutôt bien). Arnaud Delalande n’a, à mon goût, pas vraiment choisi son camp : il aurait fallu ou bien prendre un héros très différent de Casanova, ou bien prendre Casanova lui-même. Après tout, Dumas l’a bien fait avec son Artagnan. Faire de Casanova le héros d’un roman a été le choix, par exemple, d’Orazio Bagnasco, avec son roman Vetro (que j’ai lu dans une traduction en espagnol : La apuesta de Casanova, Editorial Plaza & Janes, 2000, ISBN 8401327954) ;

- ce même personnage principal est connu dans Venise comme « L’orchidée noire ». Sachez, d'abord, que La tulipe noire ne m’a pas vraiment passionné, ni en livre ou ni film. Mais, ici, cela donne un ton bouffon à un roman policier par ailleurs pas vraiment tourné vers l’humour façon justicier masqué. Sans compter que le côté « tout le monde connaît l’Orchidée noire mais personne ne le reconnaît dans la rue », voilà qui sent Zorro à plein nez, ce qui ne manque pas d'être en contraste avec le ton général du roman ;

- le ton du roman hésite entre le roman policier « réaliste » et le roman-feuilleton (avec ses personnages presque caricaturaux, ses intrigues cousues à gros fils, etc.). Et cette hésitation n’aboutit pas à une harmonie, mais à un patchwork qui me déroute ;

- si l’intrigue repose sur des éléments érudits (quoique, si vous avez bien lu le titre, vous avez tout de suite compris que les poèmes-intrigues sont tous tirés de La divine comédie de Dante), la conspiration qui sous-tend le roman frôle le ridicule, à force de vouloir jouer dans la cour des « grands méchants plus grands que nature ».

Au final :

Bref, trop de clichés dans ce roman pour en faire une lecture réellement plaisante pour moi. Et surtout, le regret que l’auteur n’ait pas voulu faire des choix clairs : le héros mauvaise copie de Casanova, le ton du roman qui ne se décide pas entre roman policier « dur » et roman feuilleton à la Feval.

J’attendais un solide polar vénitiano-casanovien, et j’ai trouvé un mauvais cocktail du Pacte des Loups et de la Tulipe Noire.

Donc, une note sévère (je dirais 2 sur 5), la sévérité comportant, je ne le nie pas, une part de subjectivité, due à mes espérances trahies.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est vrai qu'il avait de quoi allécher... Encore une fois je me confie à vos savoirs: pourriez-vous m'indiquez un "bon" roman policier ou non situé dans la Venise du XVIIIe? Merci!