vendredi 21 décembre 2007

En mission pour le Secret du Roi

Pendant quelque temps, Monsieur de C se fera discret. Non que la passion dix-huitièmiste se soit émoussée au fil du temps, rassurez-vous. D’ailleurs, vous aurez peut-être remarqué que si le mois de novembre fut peu bavard dans ces colonnes (d’autres passions et d’autres devoirs m’ayant quelque peu éloigné), le mois de décembre a été plus animé.

Le silence des prochains jours traduira le départ de Monsieur de C pour une mission confiée par le Secret du Roi. Après une courte étape à Paris pour y prendre connaissances des instructions plus précises, Monsieur de C franchira la Manche et se rendra dans la capitale de nos héréditaires ennemis.
Quelles discrètes tractations y seront-elles menées ? S’agira-t-il de convaincre le chevalier d’Eon de rendre ces documents secrets qui lui ont été imprudemment confiés et qu’il menace de dévoiler à l’opinion anglaise si ces extravagantes exigences ne sont pas entendus par notre bon roi ? Ou bien sera-t-il plus prosaïquement question d’aller passer quelques jours de villégiature au bord de la Tamise, en honnête promeneur ? Noël en terre anglaise, avant un retour en Guyenne pour le passage à la nouvelle année ?


En attendant de vous retrouver par ici, recevez mes cordiales salutations et mes vœux de bonnes fêtes de fin d’année.

Moonfleet en bulles

Après vous avoir dit tout le bien que je pense de Moonfleet en roman (l'oeuvre originelle, par John Meade Falkner) et en film (par Fritz Lang), je reviens devant vous pour vous parler d'une autre forme d'adaptation, en bande dessinée cette fois.

Rodolphe et Hé se sont associés pour mettre à leur tour en images ce récit. Pour autant que l'on puisse en juger au travers de ce premier tome publié récemment (éditions Robert Laffont, collection Aventure, ISBN 978-2-221-10577-1), l'histoire contée par Rodolphe et Hé est plutôt fidèle au roman.
Le dessin est plutôt classique, avec une mise en couleurs assez dense. Nous ne sommes pas sur les mêmes chemins graphiques de traverse que dans l'adaptation du Maître de Ballantrae par Hippolyte, mais cela reste tout de même très agréable à lire.

Rendez-vous dans un an environ, pour la suite de l'aventure.

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La fiche de cette série sur le site de la Bédéthèque

mercredi 19 décembre 2007

En petite société

Un pouce. Un peu plus de deux centimètres et demi. Format Tom Pouce, en quelque sorte. Voilà des invités qui ne vous encombreront pas trop, si vous les conviez dans votre salon.

Et ils crotteront sûrement moins vos tapis que les contrebandiers que je vous ai présentés voici quelques jours.

A défaut de recourir au talentueux service de costumière de Lisa, mettez à l'épreuve vos talents de peintre, et transformez ces figurines de métal terne en de petits personnages colorés. Ne lésinez pas sur les velours et les soieries, aucun tailleur ne viendra vous en réclamer le paiement.


(Figurines The Foundry)

Moonfleet by Lang

Quand Fritz Lang réalise Moonfleet (1955, sorti en France en 1960 sous le titre Les contrebandiers de Moonfleet), il ne se contente pas de traduire en images animées le roman éponyme de Falkner. Il s'inspire du roman, mais crée une oeuvre nouvelle. Et quelle oeuvre ! Bien sûr, un metteur en scène peut, dans sa carrière, réaliser du bon et du moins bon, mais le Fritz Lang de Moonfleet est bien celui du Docteur Mabuse et de M le Maudit : un grand metteur en scène.

Film du changement pour Fritz Lang (il revient à la MGM, il tourne pour la première fois en Cinémascope), Moonfleet aussi un film que Lang ne savait pas aimer, argüant notamment du fait qu'il n'était pas responsable du montage définitif et que le dénouement n'était pas celui qu'il aurait voulu tourner. Et pourtant, ce Moonfleet est un grand film.

Mais il ne faut pas se laisser tromper. Même s'il offre son comptant de duels et de chevauchées, Moonfleet n'est pas un film d'aventures trépidantes, un film de cape et d'épée bondissant. Je le vois plutôt comme un film stylisé (une impression renforcée par le tournage en studio), comme un théâtre d'ombres. Il est assez étonnant, par ailleurs, de voir que ce film repose sur des styles photographiques assez différents, entre les visions inquiétantes de l'église et du cimetière, par exemple, et des scènes plus « barrylyndoniennes » comme des clins d'oeil aux tableaux de Hogarth.


Lang n'a pas choisi d'en rester à l'opposition facile entre l'innocence de la jeunesse et la culpabilité de l'âge adulte, et il nous montre, tout au contraire, des facettes tout aussi négatives chez les différents personnages, quels que soient leurs âges. Le film me paraît empreint d'un pessimisme sur l'âme humaine, y compris dans son regard sur la jeunesse, dont l'« innocence » prend un sens second, celle d'une jeunesse plutôt ignorante et bercée d'illusions.



Alors, qu'en dire, au final ? Pessimiste ? Crépusculaire ? Beau ? Glacé ? Je ne peux pas y répondre à votre place. Il ne vous reste donc qu'à en faire vous-même l'expérience. Je suis sûr que, de toutes manières, ce Moonfleet ne vous laissera pas indifférents.


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mardi 18 décembre 2007

L'ombre des Mohune

The village of Moonfleet lies half a mile from the sea on the right or west bank of the Fleet stream. This rivulet, which is so narrow as it passes the houses that I have known a good jumper clear it without a pole, broadens out into salt marshes below the village, and loses itself at last in a lake of brackish water.

En deux phrases, le décor est planté. Un village sur la rive occidentale de l'estuaire de la Fleet. Ajoutons-y une côte fouettée par le vent, et le manoir inquiétant des Mohune. De Mohune à Moon, juste un glissement phonétique, avant de se marier à la Fleet pour donner Moonfleet. Bientôt, les personnages entreront un à un dans ce théâtre où presque tout l'histoire va se jouer.

Quand Stevenson nous entraînait au loin vers son Île au trésor, John Meade Falkner nous garde sur ces côtes du Dorset dans son Moonfleet, comme Mac Orlan nous gardait à Brest dans son Ancre de miséricorde. Mais ce n'est pas pour autant que le décor manque de consistance : les nuits de Moonfleet sont sombres, et elles forment le royaume des contrebandiers, les smugglers dans la langue de l'auteur, ce mot qui vous roule dans la bouche comme un galet sur une plage battue par la mer. Et ce petit village de pêcheurs devient, peu à peu, un lieu de mystères, de murmures et de soupçons, d'amour et de haine.

Les personnages de Falkner ne sont peut-être pas aussi riches de profondeur que ceux de Stevenson, mais ce Moonfleet est un roman qui n'a pas à rougir de la comparaison avec d'autres histoires de trésor, et même avec d'autres romans d'aventure, car tous les ingrédients y sont, et sont servis avec élégance par le ton du récit. Même si ce roman est parfois présenté comme un « livre pour la jeunesse », je trouve cela bien réducteur, et ses qualités vont bien au-delà de cette qualification étriquée. La préface que Michel Le Bris a écrite pour une des éditions françaises (éditions Phébus, collection Libretto, ISBN-13: 978-2859405175) vous dira tout cela bien mieux que moi.
Là où le jeune lecteur verra uniquement une histoire de trésor de pirates, l'adulte pourra trouver, également, une réflexion plus profonde, en fouillant la mélancolie et la noirceur de ce récit : en voulant changer de vie, en voulant prendre notre destin en main, nous ouvrons-nous un avenir radieux ou un horizon plus sombre encore ?

Moonfleet, un roman initiatique, de la belle et grande aventure, pour petits et grands.

lundi 17 décembre 2007

Faïences françaises

Il faut croire que je suis dans ma période « faïences » : après ma visite au musée Adrien Dubouché de Limoges, voilà que sur les rayons de la maison de la presse que je fréquente préférentiellement, j'ai trouvé un numéro hors série de la revue France antiquités (HS n°10, novembre 2007), consacré aux faïences françaises.

Pour un prix qui ne tourne pas au banditisme de grand chemin, voilà un guide pratique et richement illustré pour faire connaissance avec les manufactures, les modèles, les décors et les prix. Les dixhuitiémistes ne seront pas orphelins du tout puisque ce hors-série fait la part belle aux productions de cette époque.

Que vous soyez déjà familier du sujet ou béotien en la matière, vous aurez entre les mains un document d'un abord très facile, à consulter sans modération.

dimanche 16 décembre 2007

Tables à jeux

En octobre dernier, j'avais attiré votre attention sur un numéro de la revue Antiquités Brocante, qui comportait des articles intéressant les amateurs dix-huitièmistes, l'un sur la verrerie et l'autre sur les instruments géodésiques.

Dans le numéro actuel de cette revue (n°114, décembre 2007), ce sont les tables à jeux qui sont mises à l'honneur. Quel amateur du XVIIIe siècle n'a pas rêvé à une table de jacquet, de trictrac ou de bouillotte, estampillée Letellier, Dubois ou Aubry ?

Cet article de sept pages, abondamment illustré, offre un panorama assez large, notamment pour des meubles du XVIIIe siècle, âge d'or des tables à jeux.


Quelques prix indicatifs donnés par l'article amènent à comprendre qu'il faut mettre quelques sous dans la cagnotte avant de se lancer dans un achat. Par exemple, une table de bouillotte d'époque Louis XVI vaut entre 1.000 et 5.000 Euros, mais passe à 10.000 ou 15.000 euros si elle est signée Riesener. Une table de trictrac, de plus grande taille, se négocie entre 4.000 et 8.000 Euros pour un modèle du XVIIIe.

Photo : Gazette Drouot (site)


samedi 15 décembre 2007

Une grâce renversante

A l'occasion de ma visite du musée Adrien Dubouché de Limoges, j'ai bien sûr consacré un peu de temps à parcourir leur coin librairie.

Parmi les ouvrages qui m'ont tapé dans l'oeil, un livre de la Réunion des musées nationaux consacré au sculpteur Étienne Maurice Falconet (1716-1791) : Falconet à Sèvres, 1754-1766, ou, L'art de plaire, de Marie-Noëlle Pinot de Villechenon (Réunion des Musées Nationaux, 2001, ISBN-13 : 978-2711841707).


J'avais commencé à m'intéresser à Falconet et à la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres après la lecture du livre Bleu de Sèvres, de Jean-Paul Desprat.
Avec ce livre de la RMN, je peux désormais plonger plus avant dans l'art de Falconet, art auquel je trouve une grâce renversante, que ce soit pour une pièce de table ou pour une statue équestre monumentale.


(Photo : Manufacture nationale de Sèvres)


Ah, si vous n'appréciez pas le style néoclassique, passez votre chemin, car c'est bien dans ce courant que navigue cet artiste. Mais si vous l'appréciez, alors furetez ici et là sur dans les musées, dans les libraires, ou sur la toile, et régalez-vous.

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Pour une porte d'entrée vers divers sites présentant des oeuvres de Falconet, suivez ce lien-ci (anglophone, certes, mais suffisamment explicite pour être pratique).

Porcelaine à Limoges

Un déplacement professionnel vient de me conduire à une ville dans laquelle je n'avais fait qu'un passage-éclair voici plus de vingt ans : Limoges. Tentant d'oublier la ritournelle publicitaire vieille de quelques décennies et vantant un des fabricants de porcelaine de cette ville, j'ai eu un petit plus de temps devant moi, cette fois-ci, ce qui m'a permis de visiter le musée national Adrien Dubouché, consacré à la porcelaine, à la céramique, à la faïence.


(Photo : Comité départemental du tourisme de Haute-Vienne)

J'y ai principalement attiré par l'affiche sur l'exposition temporaire « Le naturalisme, Source d'inspiration pour la porcelaine », surtout centrée sur des créations d'hier et d'aujourd'hui inspirées par l'oeuvre naturaliste de Buffon.
Au-delà de cette exposition, j'ai été vraiment emballé par la richesse des collections de ce musée, des poteries gallo-romaines aux grès les plus contemporains. Et, bien sûr, par l'étage consacré aux collections XVIIIe siècle, qu'elles soient françaises, espagnoles, allemandes, italiennes ou encore chinoise.


(Photo : Comité départemental du tourisme de Haute-Vienne)

Un petit regret, toutefois : la muséographie ne me semble pas à la hauteur des richesses de ces collections. Les courts textes explicatifs posés dans les vitrines ne sont pas suffisamment mis en valeur et donnent une impression un peu vieillotte.
Evidemment, il est peu probable que vous vous lanciez dans un voyage à Limoges spécifiquement pour visiter ce musée. Mais, si vous passez par cette ville ou pas loin, n'hésitez pas à faire le détour.

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Pour en voir un peu plus : quelques pièces remarquables des collections de ce musée sont présentées sur cette page-là.

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mardi 11 décembre 2007

Moonfleet au creux de la main

Il faudra qu'un de ces jours je trace quelques lignes de ma plume pour dire tout le bien que je pense du roman de Falkner Moonfleet, et de quelques oeuvres qui en ont été adaptées pour le cinéma ou la bande dessinée.

Mais aujourd'hui, ce sont des contrebandiers miniatures que j'invite dans les salons de Monsieur de C. La firme The Foundry (anciennement Wargames Foundry) produit des miniatures remarquables de finesse de gravure et de « vie ». Et j'en ai acheté plus d'une, au long des années. Mes prochaines acquisitions se feront dans la gamme dix-huitiémiste, qui s'est agrandie hors des habituels sentiers des troupes guerrières, pour aller vers des sujets plus civils.


Aujourd'hui, je jette un coup de lanterne sur ces contrebandiers, avant que de pointer, plus tard, d'autres petits groupes de figurines dont j'entends la petite voix me dire « et nous, et nous, emportez-nous aussi! ».


lundi 10 décembre 2007

Tristes espions

Faire sonner à mes oreilles le nom de Venise éveille immédiatement mon attention (j'ai dû recevoir un conditionnement pavlovien !), et je suis également curieux de ce qui touche aux histoires d'espions. Alors, pensez, en découvrant, lors de ma première lecture des aventures de Giacomo C., il y a bien des années, la référence bibliographique à un livre intitulé Les agents secrets de Venise, je n'ai pu que m'écrier : « celui-là, il me le faut ».


Avant de feuilleter le livre, j'avais espéré y trouver les récits des grenouillages de la diplomatie secrètes de Venise dans les corridors des palais et les ruelles sombres des puissances européennes ou turque au Settecento. Mais c'est de bien autres espions que traite ce livre. Des espions presque tristes. Les textes choisis par Giovanni Comisso sont en effet tirés des archives du Conseil des Dix, autorité suprême de la Sérénissime : ce sont des billets que ses « confidents », délateurs patentés mais jamais anonymes pour être recevables, déposaient dans les « bouches de lion », ces boîtes à lettres destinées à recueillir ces confidences.


Cependant, si l'on peut ressentir quelque tristesse à voir ces citoyens, dont certains fort bien nés, chuchoter aux oreilles des inquisiteurs les turpitudes de leurs voisins, le livre fait tout de même ressortir que la plume de certains de ces confidents ne manquait pas de style, de mordant, d'ironie. Ces dénonciations dessinent en creux un portait de Venise et des Vénitiens, dans leurs activités tant publiques que privées. Et l'on se surprend à parcourir le livre de ci de là, sautant quelques pages, revenant en arrière, comme l'on passerait dans les rues et sur les canaux en tendant une oreille indiscrète.

Ecoutez ces chuchotements, il vous feront découvrir Venise autrement.



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Giovanni Comisso, Les agents secrets de Venise, 1705-1797, éditions Le Promeneur / Quai Voltaire, 1990, ISBN 2-87653-084-8

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dimanche 9 décembre 2007

Un énigmatique capitaine

Je n'aurais pas la prétention de dire que j'ai lu tout Dumas, mais force m'est de reconnaître que j'ai été surpris de découvrir, aux éditions Alteredit, un roman d'Alexandre Dumas ancré dans le dix-huitième siècle et dont je n'avais pas entendu parler jusque là : Le Capitaine Paul (alteredit, 2007, ISBN 978-2-84633-157-9). Format de poche, prix tout à fait accessible, je n'avais aucune raison de ne pas me laisser tenter.

Arrivé au bout de la lecture de ce roman, me voici bien surpris. Ce roman de Dumas, que sa quatrième de couverture qualifie de « roman d'aventures », est un peu éloigné des aventures plus trépidantes servies dans d'autres oeuvres dumassiennes plus connues. L'intrigue est plutôt classique, dans la tradition des romans où l'on redresse les torts faits dans les intrigues familiales : redonner un rang et un titre à un proscrit, favoriser un mariage d'amour, etc. Et les aventures ne sont pas vraiment portées par une vague trépidante. Cependant, les intrigues de salon ne manquent pas d'un certain cachet.
Et, sans pour autant dévoiler ce qui se trame dans l'ombre, je dirais que j'ai été assez surpris de trouver, sous le nom de ce capitaine Paul, un personnage historique que je connaissais bien par ailleurs, le corsaire américain John Paul Jones.

Si vous cherchez un roman avec de la cape et de l'épée, vous ne trouverez pas beaucoup d'épée dans celui-ci. Mais si vous appréciez les redresseurs de tort et les vieux secrets de famille, alors vous avez là de quoi passer un bon moment.

jeudi 6 décembre 2007

Polichinelle bien servi

Suis-je à ce point victime de l'influence des images sur mon pauvre esprit ? Pour attirer ma curiosité puis me faire acheter un produit, suffit-il de glisser sous mes yeux quelque détail d'un tableau de Boucher ou de Tiepolo ? Ou même simplement de quelque chose qui pourrait ressembler à du Tiepolo ?

Il faut croire que oui. C'est en effet l'illustration de la pochette qui m'avait conduit, voici un an ou deux, déjà, à prendre en main et à écouter des extraits de ce Pulcinella vendicato (Polichinelle vengé) du compositeur Giovanni Paisiello (1740-1816), dans l'interprétation par la Cappella de'Turchini, sous la direction d'Antonio Florio (chez Naïve, label Opus111, ASIN B00006IWQP).

Paisiello, bien que natif de Tarente, est une des figures de l'opéra napolitain, Naples étant la ville où il a perfectionné le talent et l'art que ses premiers maîtres avaient décelés en lui.
Ce Pulcinella vendicato est une oeuvre en un acte, basée sur la pièce en prose éponyme, de Francesco Cerlone. La rencontre du texte de Cerlone et de la musique de Paisiello, probablement en 1770, fut si brillante que, selon les mots mêmes de Cerlone, « [cette pièce] fut mise en musique par le très célèbre D. Giovanni Paisiello, et cette rencontre fut tellement heureuse que la pièce fut jouée pendant quarante soirs et avec elle s'acheva le Carnaval ».


Dès la première écoute du disque, j'ai été conquis par cette musique, alors que je n'avais, jusque là, pas vraiment connaissance de l'opéra napolitain. Cette farce en un acte conserve tous les traits de la commedia dell'arte et offre une brochette de personnages truculents. J'avais acheté le disque après en avoir écouté quelques extraits, et y avoir été encouragé par ma disquaire préférée. Ce n'est que plus tard que j'ai découvert une critique tout à fait élogieuse de cette interprétation-là :
"Cette oeuvre courte, à l'écriture dense et rondement menée, est caractérisée par des arie assez brèves, très contrastées et chantées en toscan, en napolitain ainsi qu'en un langage étrange qui semble un mélange des deux. Côté chanteurs, le timbre fruité de Roberta Invernizzi (Carmosina) et l'irrésistible abattage de Giuseppe Naviglio qui "cumule" les rôles de Coviello et du Mage font merveille, mais tous les protagonistes seraient à citer tant l'esprit de troupe qui les anime aboutit à une sorte de jubilation, aussi grande sans doute que celle de l'auditeur. L'orchestre brillant, endiablé, suave et coloré, n'est pas le moindre atout de cet enregistrement, que l'on peut recommander, sans aucune réserve, comme un remède absolu à la morosité."

Voilà qui n'a pas manqué de me conforter dans l'idée que j'avais fait un bon choix.

Pour en savoir plus sur l'opéra napolitain, allez donc flâner sur le site d'un passionné. Ses mots d'accueil vous diront que vous ne vous êtes pas trompés en frappant à sa porte :
"Si vous aimez Watteau, Fragonard et Chardin, Guardi et Canaletto, Gainsborough et Hogarth, vous adorerez Piccinni, Tretta, Paisiello, Cimarosa et Martin y Soler, les principaux compositeurs d'opéra napolitain. Si les opéra de Mozart vous fascinent, vous allez découvrir avec étonnement d'autres Noces et d'autres Cosi".
Un site qui m'a apporté bien des lumières sur ce courant de création musicale.

[Je me permets toutefois de pester contre les gens qui créent des sites internet avec des outils qui rendent les pages particulièrement difficiles à lire sous d'autres navigateurs que celui du quasi-monopole, du fait des nombreux caractères spéciaux non compatibles avec des navigateurs différents.]

En attendant de trouver un enregistrement de son Barbier de Séville, dont certains disent qu'il surpasse celui de Rossini, je m'en retourne chantonner la sérénade de Pulcinella à Carmosina :

Gioia de st'arma mia cara nennella: mia luna nsestagesima, mbriana, mia luna nsestagesima, mbriana. Abbascio cca' nce sta Pollocenella, Pollocenella; ca te sona de core la Diana.

Joie de mon âme, chère enfant
ma pleine lune, ma fée tutélaire :
en bas, il y a Polichinelle qui te chante
une sérénade de tout son coeur


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mardi 4 décembre 2007

Questions domestiques


F
ouillant, à mon habitude, les bacs d'un bouquiniste bayonnais installé un jour de brocante sur le carreau des halles, j'ai mis la main sur un livre dont je découvrais l'existence ce jour-là, n'ayant pas eu souvenir de l'avoir repéré dans la bibliographie d'autres lectures. Peut-être mes yeux étaient-ils passés sur son titre sans s'y être atttardés ?

Toujours est-il que me voici désormais possesseur de Figaro et son maître, Les domestiques au XVIIIe siècle, de Jacqueline Sabattier (Editions Librairie académique Perrin, collection Pour l'histoire, 1984, ISBN 2.262.00335-1). La préface signée François Bluche n'a pas été étrangère à mon achat, car je tiens (à tort ou à raison, je ne sais) ce monsieur en assez haute affection.

Ce Figaro et son maître, ouvrage qui choisit de regarder la domesticité avec un regard social, dresse un portrait de cette partie de la population urbaine qui remet en question, en partie, l'image un peu caricaturale héritée de la littérature et du théâtre du XVIIIe siècle. En partie seulement, car romans et pièces, s'ils grossissent le trait, se nourrissent toutefois de réalité. Le livre de Jacqueline Sabattier brosse un portrait de la domesticité en en faisant ressortir les différentes facettes, se refusant à la généralisation facile ; il traite non seulement de l'état de domestique, mais également du rôle ambigu de la religion à ce sujet ou des relations à la fois distantes et intimes entre maîtres et domestiques.

S'appuyant sur des sources contemporaines, dont des archives privées (actes notariés, correspondances, mémoires), Figaro et son maître est un livre bigarré, vivant. Après l'avoir lu, vous regarderez peut-être d'un autre oeil Figaro ou Gil Blas.

Pour cet ouvrage, J. Sabattier a reçu le prix Biguet en 1985.


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Si j'en crois les prix que j'ai relevés sur quelques sites internet de vente de livres d'occasion, mon achat a été une bonne affaire, puisque j'ai déboursé une somme cinq à six fois inférieure à ce que je vois sur ces sites, et ce pour un ouvrage en très bon état. Une bonne affaire en guise de retour pour mon respect pour la gent domestique ? ;-)

lundi 3 décembre 2007

Un bon dernier



Pour que ce mois de décembre télévisuel soit vraiment dix-huitiémiste, il ne manquait plus qu'un film d'aventures épiques.

Et c'est TMC qui nous l'offre (enfin, quand je dis « nous », je veux dire « ce qui pouvons recevoir cette chaîne »), avec Le dernier des Mohicans, de Michael Mann (1992), le 10 décembre prochain. Au risque de vous faire sourire, je reconnais que ce que j'avais retenu de ce film, la première fois que je l'ai vu au cinéma, c'est la sensation, même si j'étais assis, d'avoir couru, tout le long du film. De m'être senti emporté par la course, notamment celle d'Oeil-de-Faucon. Et par la musique, entêtante, lancinante, un peu à la manière de la Sarabande de Haendel dans Barry Lyndon.

J'ai également été pris par la beauté de paysages à couper le souffle, superbement mis en valeur par la photographie, la sensation que tout est extrême, la violence comme la passion, la fureur comme le calme.

Enfin, j'ai trouvé que dans ce film, les Indiens ont une place, un rôle, qui évite les extrêmes dans lesquels le cinéma états-unien les a parfois (souvent ?) conduits : ni caricature frisant le racisme, ni angélisme déplacé, ces Indiens sont comme vous et moi, ni meilleurs ni pires, animés des mêmes sentiments bons ou mauvais, raisonnables ou irraisonnés.

Les romans de Fenimore Cooper avaient été une de mes portes d'entrée vers ces contrées fascinantes, vers cette guerre à la fois en dentelles et en mocassins, vers ces passions humaines universelles. Le film de Michael Mann, bien des années après ces lectures, m'a emporté dans un autre tourbillon, tout aussi extraordinaire.
Reprenant alors les romans en main après avoir vu le film, j'ai pu remarquer les entorses que le scénario du film de Mann a faites au récit du roman. Le film fait passer l'histoire d'amour entre les deux « Européens » (Oeil-de-Faucon n'est pas tout à fait un Indien) au premier plan, sans compter les écarts pris par le film de Michael Mann avec le roman dans les relations entre les différents personnages - surtout entre Nathanael, Cora, Alice et Uncas.

Or, si j'ai bien ressenti ce que Fennimore Cooper voulait faire passer dans son livre, c'est l'histoire indienne qui devrait être au centre du récit, et plus particulièrement celle de la fin de cette tribu des Mohicans ; en outre, Oeil-de-Faucon est, sous la plume de Cooper, un personnage plutôt individualiste et sans attache amoureuse. Michael Mann a-t-il, sciemment ou pas, donné la priorité à la romance et édulcoré le message du roman, qui dénonçait, à sa manière, l'impact que les guerres entre Européens ont eu sur les peuples indigènes (et encore, Fenimore Cooper n'a pas connu la quasi-extermination des Indiens d'Amérique du Nord durant la deuxième partie du XIXe siècle) ?

Je ne saurais trancher la question. Alors je préfère la contourner, et vous recommander tout à la fois de lire le roman et de regarder le film. Ils ne disent peut-être pas la même chose, mais pourquoi se priver de l'une ou l'autre de ces deux belles œuvres ?

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dimanche 2 décembre 2007

Un Scaramouche exceptionnel

Décidément, la télévision semble s'être mise a XVIIIe siècle, pour ce mois de décembre. Le 10 décembre prochain, Arte diffusera à 20h40, le Scaramouche de George Sidney (1952).

Si ce film est largement connu pour son duel d'escrime final (un des plus longs jamais filmés), il ne faut certainement pas s'arrêter à cela. Les personnages campés par Stewart Granger, Eleanor Parker, Mel Ferrer sont succulents, et je regrette que Janet Leigh ne soit pas mieux mise en valeur. La photographie, en Technicolor est splendide.
Le scénario de Ronald Millar ne respecte pas à la lettre le roman de Rafael Sabatini, Scaramouche, dont il s'est inspiré. Mais, tout comme Dumas trahissait l'Histoire pour lui faire de beaux enfants, ce film trahit le roman pour en faire un chef-d'oeuvre, un des très grands moments du cinéma, qu'il soit de cape et d'épée ou pas.


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Pour l'anecdote, Arte va diffuser 6 films, dont ce Scaramouche, dans le cadre d'un cycle de cape et d'épée du 10 au 18 décembre.

Toujours pour l'anecdote, George Sidney avait également réalisé un autre grand film du genre de cape et d'épée :
Les trois mousquetaires (1948), avec Gene Kelly et Lana Turner, l'adaptation de ce roman la plus brillante (et qu'importe qu'elle ne soit pas toujours fidèle, là non plus), à mes yeux.

Naturaliste et philosophe

La télévision sait tenter de nous abreuver d'inepties destinées, selon les mots cyniques mais sincères d'une de ses promoteurs, à rendre nos cerveaux disponibles pour les messages publicitaires. Mais, fort heureusement, il reste quelques créneaux diffusant des émissions nageant au-dessus de cette fange.

Sans pouvoir préjuger entièrement de la qualité de cette émission, mon regard a été attiré par le programme proposé sur France 5, le lundi 3 décembre, à 21h35 : Buffon, le penseur de la nature, un docu-fiction de Philippe Tourancheau.
Il y a peut-être, là, quelque espoir de passer un bon moment, à la découverte d'un personnage illustre non sans raison.


Georges Jean Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), intendant du Jardin du roi, a écrit et laissé à la postérité son extraordinaire Histoire naturelle, générale et particulière, synthèse des connaissances de l'époque dans les sciences naturelles : trente-six volumes dont la publication s'étalera de 1749 à 1788. Une oeuvre célébrissime et pourtant, à bien y regarder, c'est plus l'oeuvre d'un vulgarisateur que celle d'un réel observateur ou expérimentateur. Il porte sur les expérimentateurs un regard quelque peu méprisant, et soumet même le fait d'étudier quelque chose à l'utilité qui pourra être tirée de ce qui est étudié (voir son Discours de la manière d'étudier et traiter l'histoire naturelle).
Autre face du personnage, il est un philosophe des Lumières, osant par exemple séparer l'histoire de la Terre de la Création professée par l'Eglise, ce qui vaudra aux premiers volumes de son Histoire naturelle d'être censurés par ladite Eglise.

Si vous regardez bien son année de naissance, vos remarquerez que 2007 marque le tricentenaire de sa naissance. C'était le 7 septembre dernier. Et pourtant, il ne me semble pas que nous en ayons beaucoup entendu parler sur les ondes. Je souhaite que le téléfilm diffusé demain arrive à donner aux quelques curieux qui le regarderont l'envie d'en savoir plus sur ce génial vulgarisateur, un de ceux qui ont instillé en moi, voici bien des années, le goût des sciences naturelles.


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Si vous en avez le temps et l'envie, consultez l'édition en ligne de cette Histoire naturelle, sur un site dédié à Buffon par le CNRS.
Pour quelques informations complémentaires sur le docu-fiction, dirigez vous vers le site de France 5 (ici et ).