mardi 27 mai 2008

Guerre en pays sauvage


L
a guerre franco-anglo-indienne en Amérique du Nord n'a pas été moins terrible que les autres guerres de la période ni que les autres guerres de l'histoire du monde. Mais mes jeunes lectures de romans comme Le dernier des Mohicans et de vieux livres d'histoire m'avaient donné envie d'en savoir plus. Plus tard, je m'y suis intéressé plus avant, et je vous avais fait part, chers lecteurs, de quelques ouvrages assez faciles à prendre en main pour découvrir ce sujet.


Ayant quelque goût pour les jeux de guerre, j'avais déjà évoqué un jeu de guerre sur la Nouvelle France, Quelques arpents de neige. Mais celui-là était relativement complexe, et c'est un jeu plus simple que je vous présente aujourd'hui.





Wilderness War a été créé par Volko Ruhnke et développé par Rob Winslow pour l'éditeur de jeux GMT et publié en 2001. Le titre du jeu, la « guerre en pays sauvage », si j'ose dire une traduction à la volée, fait référence au fait que cette guerre s'est grandement déroulée dans des terrains difficiles, souvent boisés, dans des affrontements en escarmouches, entre troupes légères et bandes indiennes. Paradoxalement, c'est pourtant dans des batailles très « classiques » de plaine, à la mode européenne, que le sort de l'Amérique du Nord française s'est définitivement scellé.


Wilderness War utilise des mécanismes originaux qu'il partage avec d'autres jeux de la série née avec We The People, créé en 1993 par Mark Herman pour l'éditeur Avalon Hill :

- il ne repose pas sur une grille régulière à hexagones, comme les jeux de guerre « classique », mais sur un réseau irrégulier de cases représentant des endroits stratégiques (villes, forts, traversées de rivières, etc.) ;


- chaque joueur utilise des cartes spéciales pour générer les actions de son camp (déplacer des troupes, construire un fort, déclencher un événement particulier, etc.).
Avec de tels mécanismes, on dépasse le simple affrontement de deux troupes, pour faire entrer en ligne de compte des aspects plus larges, politiques et économiques.

Le jeu respecte plutôt bien la disproportion des forces en présence, ce qui veut dire que, sur la durée, le camp anglais a plus de chances de remporter la victoire que le camp français. Mais certains scénarios, notamment ceux qui se concentrent sur les premières années de la guerre, offrent toutes ses chances au joueur du camp français.

Cet équilibre du jeu, combiné à des scénarios variés et à des mécanismes originaux et simples sans être simplistes font de Wilderness War un jeu particulièrement agréable, à la fois abordable et très prenant.


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Pour aller plus loin :
- la présentation du jeu sur le site de l'éditeur, avec de nombreux éléments téléchargeables pour s'en faire une idée assez précise ;
- la traduction française du jeu ;
- une fiche de présentation du jeu et deux avis de joueurs, en français ;
- une fiche de présentation du jeu, en anglais ;
- une fiche du jeu et quelques avis, en anglais ;
- une critique en français ;
- une critique très détaillée, en français, dans le n°23 du magazine Vieille Garde, téléchargeable en PDF ;
- une autre critique du jeu en français a été publiée dans le n°41 de la revue Vae Victis.
- une longue critique, en anglais ;
- une courte critique, en anglais
- une critique, en anglais :
- le rappel des nominations de ce jeu aux récompenses International Gamers Awards .


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dimanche 25 mai 2008

En mocassins devant la télévision



Allumez la télévision, chaussez vos mocassins et empoignez votre long fusil, pour courir sur les traces d'Œil-de-faucon !
Ce soir, la chaîne NT1 diffuse Le dernier des Mohicans, dans sa version réalisée par Michael Mann, dont j'ai déjà parlé il y a quelques mois.



Grand spectacle assuré, même si, comme je l'ai écrit, cette version n'est pas toujours fidèle aux romans de Fenimore Cooper.

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De l'échafaud au roman


F
rançois-Jean Lefebvre, chevalier de La Barre, est une des victimes de l'intolérance religieuse et des magouilles juridico-sociales qui persistent au siècle des Lumières, et le billet que je viens de lui consacrer reflète mon attachement profond à la liberté de penser, attachement exacerbé en ces temps où l'on essaie de nous refourguer du religieux en guise de nouveau ciment de notre société.

Ceux qui voudraient découvrir le chevalier de La Barre sous forme romanesque, en complément, par exemple, de la Relation de la mort du chevalier de La Barre à Monsieur le marquis de Beccaria et le Cri d’un Sang Innocent , tous deux de la plume de Voltaire, peuvent se réjouir : les éditions Phébus viennent en effet de publier Le chevalier de La Barre, de Michel Zévaco (collection Libretto, 2008, ISBN 978-2-78-290324-2).
Zévaco, journaliste puis prolifique auteur de romans-feuilletons, a eu un engagement politique anarchiste et anticlérical. Il pouvait donc difficilement passer à côté du chevalier de La Barre sans en faire le personnage central d'un de ses romans.
Un roman à prendre comme il vient, c'est-à-dire comme un roman militant, un roman réquisitoire contre les machinations juridiques et religieuses. Il ne faut pas y chercher la véracité historique, le réalisme sur l'époque. Mais, une fois que l'on est conscient de cela, ce Chevalier de La Barre reste un roman passionnant, avec les aventures trépidantes et les rebondissements qui sont les fondements du genre.

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De la barre à l'échafaud


Le chevalier de La Barre, plus connu sous ce titre que sous son nom (François-Jean Lefebvre), a eu le triste privilège d'être le dernier Français condamné à mort pour blasphème.

Le chevalier est accusé, en 1765, de divers actes d'impiété, tout comme deux de ses amis, Gaillard d’Etallonde et Moisnel : ils ne se seraient pas décoiffés au passage d'une procession religieuse, auraient chanté des chansons insultant Marie-Madeleine, et mutilé un Christ en place publique à Abbeville. Fait aggravant aux yeux de ses accusateurs, le chevalier de La Barre possédait, outre deux livres licencieux, le Dictionnaire philosophique de Voltaire.

Moisnel, très jeune, n'est pas réellement inquiété, Gaillard d’Etallonde trouve le salut dans la fuite à l'étranger, et le chevalier de La Barre, trop confiant en la justice, choisit d'affronter le procès.
Mal lui en prend puisque, malgré un solide alibi, il est finalement condamné à la torture et à la mort. Il est exécuté le 1er juillet 1766 : poing et langue coupés, il est ensuite décapité et brûlé avec un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire, préalablement lacéré
Le chevalier de La Barre a été victime de différents entre certains membres de sa famille et des personnages puissants d'Abbeville, d'une justice défaillante avalant – voire suscitant - accusations non étayées et faux témoignages, et de la profonde intolérance religieuse qui persistait en ce siècle des Lumières.

Des voix s'élèveront néanmoins pour défendre le chevalier, dont celle de Voltaire, qui devra s'enfuir pour ne pas être poursuivi lui-même ! Enfin réhabilité par la Convention, le chevalier de La Barre deviendra une figure symbolique de la lutte contre l'intolérance religieuse. Le fait que le gouvernement de Vichy ait fait déboulonné, en octobre 1941, la statue qui avait été érigée en 1897 devant la basilique du Sacré-Cœur, à Montmartre, puis déplacée au square Nadar en 1926, ne peut que souligner à quel point les libres penseurs gênent, même lorsqu'ils ne sont que des symboles, les dictateurs de tout poil, politiques ou religieux.

Le chevalier de La Barre est toutefois revenu parmi nous, le 24 février 2001, lorsqu'une nouvelle statue a été érigée en remplacement de celle déboulonnée par les vichystes. Certains se sont plaint que la statue, représentant le chevalier les mains dans les poches, n'est pas assez militante, pas assez représentative de ce qui est arrivé au chevalier, et qu'elle aurait dû montrer également le bûcher et le Dictionnaire philosophique, comme la première statue.

Le plus important, à mes yeux, est surtout de conserver la vigilance contre l'intolérance et pour la liberté de penser et de s'exprimer. Le socle de l'actuelle statue porte, gravé dans la pierre, les mots de Voltaire : « La tolérance universelle est la plus grande des lois ».


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Illustrations
La carte postale ancienne est publiée sur cette page-là.
La photo de la statue actuelle est publiée sur cette page-là.


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mercredi 21 mai 2008

Casanova et le chant de la sirène


I
l y avait quelques mois déjà que j'avais repéré, sur les étagères d'un bouquiniste, une « jolie » édition des Mémoires de Casanova.
Il s'agit de l'édition dite « de la Sirène », en douze tomes, publiée de 1924 à 1935, aux éditions de la Sirène.

Avec ses couvertures en cuir fin, ses illustrations en pleine page sous serpentes, ses gravures hors texte et dans le texte, ses notes abondantes, elle chantait à mes oreilles. N'ayant aucune envie de mettre de la cire dans mes oreilles pour me protéger de l'envoûtement de ce chant de sirène, j'ai fini par l'acheter.

Elle vient s'ajouter à mes autres éditions, dont celle chez Robert Laffont, plus fidèle et plus complète, mais dont le charme est bien moindre, dans son papier-bible, que celui d'une édition qui sent le cuir et le papier ancien.

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Pour quelques informations sur les différentes éditions des Mémoires, vous pouvez vous reporter à la page qui leur est consacrée sur Wikipedia.


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Giacomo contre les Mongols


D
isques, livres, films, tarots, Casanova a inspiré bien des « produits dérivés », comme diraient les loups de la mercatique. Il a même inspiré un jeu vidéo, Casanova – Le duel de la rose noire (développement et édition Arxel Tribe, 2001).

Inspiré de loin, précisons-le d'emblée. Ce jeu propose au joueur d'incarner un Vénitien, grand séducteur et pas manchot quand il s'agit de manier l'épée, déjouant un sombre complot (est-il des complots lumineux ?) visant à livrer la Sérénissime à un non moins sombre ennemi. Un ennemi plutôt inattendu, puisqu'il ne s'agit ni plus ni moins que des Mongols, arrivés jusque là dans les navires de leur flotte...
Ah, j'en entends qui toussent. De saisissement, peut-être. Je peux comprends, j'ai toussé, moi aussi. De saisissement.

La première stupeur passée, et bien revêtu de votre costume casanovien, vous voici parti dans les rues et les palazzi de Venise, courtisant une jeune femme ici, affrontant un aristocrate en duel là. Le jeu est construit autour d'énigmes, surtout dans sa première partie, et d'affrontements à l'épée ou à l'arbalète (tiens, j'en entends encore qui toussent), surtout dans la deuxième partie.

Si le rendu visuel est plutôt saisissant – dans le sens positif du mot -, et si le jeu ne souffre pas, avec un ordinateur d'aujourd'hui, de la lenteur dont il souffrait avec une machine standard lors de sa sortie il y a plus d'une demi-douzaine d'années, ce Duel de la rose noire reste un jeu inégal, où les énigmes sont trop peu nombreuses pour donner un vrai sel à l'aventure et où les commandes peu ergonomiques, au clavier et à la souris, rendent les scènes d'action peu plaisantes.

Le jeu vidéo est un univers dont je suis très peu familier et très peu friand. Mais ma curiosité est un vilain défaut que j'assume. Ce jeu, acheté d'occasion, ne m'a coûté que quelques sequins. Ni coup de cœur, ni coup de gueule, il m'a permis d'explorer un univers casanovien étonnant.


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Si vous souhaitez en savoir plus, parcourez ces trois critiques détaillées, une en français (ici), deux en anglais (ici et ), dont j'ai pu constater que leurs auteurs partageaient mes vues sur ce jeu..


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jeudi 8 mai 2008

Clin d'œil à Fanfan


J
'avais déjà invité dans ces colonnes, avec son accord, le dessinateur Pierre Joux. Repassant en revue, ce jour, certaines des illustrations qu'il m'avait envoyées, je me suis arrêté sur l'une d'entre elles, qui m'a fait penser aux films Fanfan la Tulipe, et plus particulièrement au personnage de Fier-à-bras, interprété par Noël Roquevert dans la version de Christian-Jacque et par Philippe Dormoy dans celle de Gérard Krawczyk.














Tout l'art de la séduction, vu par un dragon. Avouez que ça change des manières du hussard !


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Photographies
- Gina Lollobrigida et Noël Roquevert (photographe inconnu de ma part)
- Vincent Perez et Philippe Dormoy (© Olivier Gachen)

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