lundi 27 décembre 2010

Chevalyé de Saint-George, mizisyen des Lumières

 
Tout attaché que je sois à notre République indivisible, et tout respectueux que je sois de notre Constitution de 1958 qui, dans son article 2, stipule que « la langue de la République est le français », je suis tout aussi attaché à la richesse qu’apporte la diversité. L’égalité de notre devise républicaine n’est pas, pour moi, l’antonyme de la diversité, ni le synonyme d’uniformité. Ainsi, n’en déplaise aux tenants d’une République jacobine qui craignent que les richesses locales ne sapent les fondements de leur colosse un et indivisible, je suis un fervent partisan de la défense, de la protection, de l’enseignement et du développement des langues régionales : plus elles seront considérées comme faisant partie de notre patrimoine collectif d’hier, d’aujourd’hui et de demain, moins elles pourront être des raisons de clivages, car elles ne seront alors l’instrument ni des centralistes ni des communautaristes.

J’ose une telle entrée en matière pour tirer mon coup de chapeau à un ouvrage bilingue français-créole, et pourtant, il me serait bien difficile de prétendre que j’ai été bercé par le créole. En matière de langues régionales, mon oreille a plutôt été habituée au basque ou au gascon. En caricaturant à peine, je dirais que le créole, à part au travers de disques de Malavoi, de reportages télévisés sur Aimé Césaire ou de l’émission Studio M sur France Ô, je n’en ai pas entendu ni écouté souvent.

C’est grâce au chevalier de Saint-George, qui est devenu un familier de mes salons à force que je l’y invite (avec ou sans son contentement, allez savoir !), que je me suis plongé dans un texte créole : l’ouvrage Chevalier de Saint-George, musicien des Lumières / Chevalyé de Saint-George, mizisyen des Lumières, avec un texte français de Françoise Kerisel adapté en créole par Henri Cadoré (éditions L’Harmattan, collection Jeunesse, 2007, ISBN 978-2-296-02397-0).

Un livre de petit format, 26 pages de textes écrits « gros » et aérés, créole et français en vis-à-vis, j’avais là de quoi faire mes premier pas sans risquer la surchauffe. Premier constat, dès la lecture du titre et de la quatrième de couverture : pour essayer de comprendre ce que j’ai sous les yeux, il me faudra lire à voix haute. Parce que je ne sais pas si le créole s’écrit comme il se prononce, mais quand je le lis « dans ma tête », je n’entends rien !

Nwèl 1745
Lagwadeloup an timanmay sòti nèt. Manman’y an jenn
famm yo ka kriyé Nanon, ka mimiré an ti chanté ba tibébé’y la. Déwò a an jenn gason ka jwé flit. Yo ka dansé alantou’y.
An menm moman a an sakré bèl twama ka rantré dans larad-la, sé Saint-Heorges. Yo ka tann sé maren-a bay lavwa pandan yo ka paré sé losiyé a pou maré batiman-a.

Noël 1745
A la Guadeloupe, un enfant vient de naître.
La jeune Nanon, sa maman, chantonne doucement pour son nouveau-né. Dehors, un garçon joue de la flûte. On danse autour de lui.
Sur la mer, au même moment, un superbe trois-mâts, le Saint-Georges, entre dans la rade. On entend les cris des marins qui vont amarrer.

Loin des oreilles indiscrètes (et peut-être moqueuses), j’ai donc commencé à ânonner quelque chose qui n’avait qu’un lointain rapport avec le son des mots créoles, m’appuyant sur le texte originel français, cherchant la structure des phrases, puis me laissant porter par la phonétique et un certain plaisir à avancer, cahin-caha, vers quelque chose qui s’est mis à sonner moins faux.
Quand j’ai refermé le livre, j’étais bien loin de prononcer le créole aussi bien que Saint-George jouait du violon ou de l’épée, mais ce court voyage bilingue en sa compagnie a été une bien agréable façon de découvrir ce personnage sous un autre angle. Pour que le voyage soit complet, il faudrait maintenant qu’un ou une Créole m’en fasse la lecture, pour que mes oreilles soient bercées de la « vraie » musique de ce texte.

En attendant, recevez les salutations de Misyé de C. !
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