lundi 29 août 2011

C’est Vivaldi qu’on assassine


Antonio Vivaldi est mort à Vienne en 1741, dans un grand dénuement. Mais il a également été assassiné en 2006, et le coupable est connu : Jean-Louis Guillermou. Est-ce là un pseudonyme, un nom d’emprunt pris par ce criminel pour ne pas que la honte de son forfait rejaillisse sur sa famille et ses amis ? Je ne crois pas. Non, ce Guillermou est probablement un criminel qui s’assume. Ainsi, c’est de ce même nom qu’il avait signé l’assassinat de Jean-Sébastien Bach en 2003. Faut-il croire qu’il déteste à ce point-là les grands compositeurs qu’il a décidé de se lancer dans le massacre posthume ?



Son Antonio Vivaldi est un désastre cinématographique. Même son sous-titre – Un prince à Venise – est à pleurer. Ce film est à peu près aussi emballant que la mise en image d’une notice de dictionnaire sur Vivaldi. Aucun intérêt narratif, aucun rythme, une réalisation à pleurer sur le plan technique et esthétique, un jeu d’acteurs inexistant. Mais, bon sang, personne, parmi l’équipe du film ou les producteurs, ne s’est rendu compte que c’était mauvais à ce point ? Et le public du Festival international de Besançon était-il sourd et aveugle au point d’attribuer à ce film le « grand prix du public » ? Mince, si ce Vivaldi méritait le grand prix, les autres films en compétition devaient être des catastrophes encore pire.

Même si vous trouvez le DVD de ce film pour 3 sous, ne l’achetez pas. Ou alors juste pour avoir, dans votre dvdthèque, un des étalons du zéro du cinéma, tous genres confondus. Au lieu de céder à ma curiosité quand j’ai vu ce film proposé à petit prix, j’aurais dû rentrer chez moi et consulter quelques critiques sur le net. En lisant celle publiée sur le site de Muse baroque (le magazine de la musique baroque) sous la signature de Viet-Linh Nguyen ou celle de Dr Devo sur le site Matière focale, j’aurais immédiatement compris quel raté abyssal est ce film.
La curiosité est un vilain défaut, et ma curiosité m’a infligé, avec cet Antonio Vivaldi, un de mes pires voyages cinématographiques (à égalité, je pense, avec Blanche, de Bernie Bonvoisin... c’est dire!).

Amateurs de cinéma, amateurs du XVIIIe siècle, amateurs de Vivaldi, passez votre chemin. Ou ne venez pas vous plaindre que je ne vous avais pas prévenus.

dimanche 28 août 2011

Le marronnier Casanova


Autant le dire tout de suite, en voyant que l’hebdomadaire L’Express avait consacré sa une du 27 juillet 2011 (n°3134) à « Casanova, l’épopée d’un séducteur », la méfiance m’a envahi. Ce titre-là, accompagné de ses sous-titres (L’aventurier du plaisir ; l’amoureux mélancolique ; le mémorialiste d’exception), avait un net parfum de marronnier, après un dossier sur le vrai pouvoir des francs-maçons et avant un futur dossier sur les bonnes affaires de l’immobilier.


Mes préjugés ont-ils volé en éclats à la lecture de ce dossier ? Franchement, non. Certes, l’article de Maxime Rovère – qui a publié une biographie de Casanova (Casanova, éditions Gallimard, collection Folio Biographies, 2011, ISBN 9782070300846) – et celui de Chantal Thomas – qui avait publié voici vingt-cinq ans Casanova, Un voyage libertin (réédité chez Gallimard, Folio, octobre 1998, ISNB 9782070405626) – ne sombrent pas trop dans les clichés et apportent un éclairage un peu plus complexe, mais loin d’être nouveau !, sur le personnage que l’habituel portrait unidimensionnel du séducteur invétéré.
Mais, pour vendre du papier, il fallait bien glisser ces non moins habituels clichés. Alors nous voilà gratifiés d’un abécédairede la sexualité de Casanova au travers de son Histoire de ma vie, triste florilège qui passe par « échangisme », « huîtres » et « partouze ».
Où est le mémorialiste d’exception pointé en couverture ? Pas assez vendeur ? Pas assez conforme aux idées reçues sur Casanova ? En tout cas, il est quasiment absent de ce dossier qui n’évite pas de tomber dans le racolage.
Bah, c’est l’été, et L’Express, comme d’autres hebdos aux saisons creuses, nous refile de piètres dossiers dont je me dis qu’ils sont probablement bien loin de l’esprit qu’un Jean-Jacques Servan-Schreiber avait voulu insuffler à un tel magazine.

Quant au numéro avec la une sur l’immobilier, il est arrivé un mois plus tard. Quand je vous parlais de marronniers...


vendredi 26 août 2011

Taillé bien comme il faut


 S’il y a bien une raison pour lesquelles je préfère les libraires « réelles » aux librairies « virtuelles », c’est notamment pour la possibilité de me sentir mon regard accroché par une couverture, de sentir les parfums des livres, de les prendre en mains, de les feuilleter. Et parfois, en me laissant interpeller par une couverture, en feuilletant un ouvrage, paf ! le coup de cœur.
Le dernier en date a été pour le livre L’Homme au Siècle des lumières, de Florent Véniel (texte) et Noëlle Delebarre (photos) (éditions Errance, collection Histoire vivante, 2011, ISBN 978-2-8772-456-2). Le genre de livres qui, quand je l’ai dans les mains, me fait dire « voilà un livre que j’aurais aimé concevoir et réaliser ! ».


Un livre de textes et de photographies pour nous présenter des costumes masculins du XVIIIe siècle, au travers des portraits d’une quinzaine de personnages : montreur de marionnettes, colleur d’affiche, maître d’armes, laquais, médecin, etc. Pour chaque personnage, le texte apporte des éléments de compréhension du contexte de sa profession au sein de la société, puis des éléments sur les pièces de son costume.
Le texte est très agréable à lire, les photos à la fois esthétiques et pratiques. Un ouvrage qui sait allier sérieux (pour autant que je puisse en juger) et facilité de lecture, fond et forme.
Pour qui s’intéresse au costume masculin des années 1740-1790 (en gros) et qui apprécie une approche de ce costume par la reconstitution, alors ce livre constitue un excellent achat pour une introduction au sujet. Mais il ne faut pas y chercher une anthologie du costume vu au travers de dessins ou peintures d’époque, par exemple, puisque ce n’est pas du tout l’objet de l’ouvrage.

Je profite de ce billet pour tirer mon chapeau et adresser mes félicitations à la troupe des Menus plaisirs (dont est membre l’auteur du livre) qui ont servi de mannequins pour ces différents portraits. Leur travail de reconstitution au service d’une « histoire vivante » mérite d’être salué, et cet ouvrage le fera connaître, je l’espère, au-delà du cercle des seuls initiés.

La question qui se pose désormais est : à quand l'ouvrage "La Femme au Siècle des Lumières" ?

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lundi 22 août 2011

La peste soit des gribouilleurs !

 
Prenons un sujet qui se prête bien à une adaptation en bande dessinée pour en tirer une histoire tragique, avec des courageux et des lâches, des altruistes et des égoïstes. Prenons la peste qui a frappé Marseille en 1720.
Prenons quelqu’un qui aime les jeux de mots vaseux pour en faire des titres de livres. Le genre d’artiste qui trouvait les titres des romans publiés à chaîne, comme ceux de la série OSS 117. En l’occurrence, prenons quelqu’un capable de faire un jeu de mots à partir d’un autre titre de livre, et qui est content de trouver « Le diable au port ».
Ajoutons, pour faire bonne mesure, un dessinateur de bande dessinée qui a du mal à dessiner deux fois le même visage pour un même personnage, au point qu’il est difficile de le reconnaître d’une case à l’autre. Prenons un même dessinateur qui, comble du paradoxe, n’arrive pas à faire en sorte que des personnages différents aient des visages différents, au point qu’il est difficile de les distinguer les uns des autres dans une même case. Tant qu’à être exigeants, prenons aussi un dessinateur qui ne sachent mettre ses dessins en couleurs qu’avec des tons vifs et saturés, rien dans la demi-mesure.

Secouons le tout…

Nous obtenons la trilogie Le diable au port, de Benoît Lacou (dessin et couleur) et Claude Ecken (scénario), aux éditions Hors Collection : L’étoffe et le fléau (tome 1, 2002, ISBN 2-258-05686-1), Les brasiers de Marseille (tome 2, 2003, ISBN 2-258-05957-7) et Les forçats de lapocalypse (tome 3, 2004, ISBN 2-258-06299-3).


Le tome 3 se termine sur une case qui laissait espérer une suite, mais la suite n’est jamais venue. Enfin, quand je dis « espérer une suite », c’est peut-être un peu trop généreux. Disons plutôt que ça laissait entendre qu’il pourrait y avoir une suite. Mais de là à l’espérer, franchement, non.
La lecture de cette trilogie n’est pas un calvaire ; n’ayant pas le goût de la mortification, je ne serais pas allé au bout de ma lecture si cela avait été si douloureux. Mais cela me donne le sentiment d’un gâchis, une réalisation qui met à mal un projet qui pouvait être sympathique. Les éléments de base sont, certes, plutôt classiques :
- d’un côté, les « bons » : un jeune chirurgien honnête, un maître d’armes vétéran de guerre, une jeune femme victime d’appétits rapaces ;
- de l’autre, les « méchants » : des marchands peu scrupuleux faisant entrer frauduleusement à Marseille des étoffes venues du Levant et dont ils savent qu’elles sont porteuses d’infections, des médecins ignares ou complaisants, des représentants des autorités municipales ayant trop à perdre à perturber le commerce marseillais ;
- au milieu, un peuple bigarré d’artisans, de boutiquiers, de forçats, de marins, chacun traficotant pour arrondir ses fins de mois ;
- le tout dans un décor propice à retenir l’attention, dont le port et la ville de Marseille.

Mais le récit est confus, à vouloir traiter à la fois l’histoire tragique de cette peste et les anecdotes personnelles, à faire entrer des personnages trop nombreux sur une scène trop exiguë.

Récit confus, mise en images ratée. Une trilogie comme trois coups dans l’eau.

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