samedi 31 décembre 2011

Comme un petit goût de revanche ?

La rivalité de longue date des Français avec leurs voisins d’outre-Manche leur fait souvent apprécier les occasions où les Anglais se font secouer. Alors, ils applaudissent aussi bien la bataille de Patay qu’un grand chelem en ovalie dont le dernier match fait manger la pelouse de Twickenham. C’est ainsi que le siège de Yorktown, en septembre et octobre 1781, prend parfois un p’tit goût de revanche. Ah, Messieurs les Anglais, vous nous aviez pris la Nouvelle-France en 1763 ? Souffrez donc que nous vous boutions, à notre tour, hors de vos colonies d’Amérique du Nord !

La Virginie avait été, dès le début de la guerre d’indépendance américaine, le théâtre de mouvements de troupes, de raids. Aux yeux de la couronne anglaise, ce territoire, avec ses terres fertiles, ses voies d’eau navigables, son tabac échangé en Europe contre des armes et des vêtements, ses élevages de chevaux, et même son éloignement des principaux théâtres d’opération de ce conflit, en faisaient une base vitale pour l’effort de guerre américain.

Les Anglais s’étaient félicités de la prise de Charleston, dont le siège s’était déroulé de mars à mai 1780. Le général Sir Henry Clinton, commandant en chef des troupes anglaises en Amérique du Nord depuis mai 1778, était porté par l’idée que la pacification de cette Amérique du Nord pouvait se baser sur l’établissement d’une chaîne de positions fortifiées autour de bases navales côtières, à partir desquelles des raids pourraient être menés jusqu’au cœur du territoire insurgé. Son subordonné, Charles Cornwallis, ne partage pas du tout la vision stratégique de Clinton, et préfère envisager des troupes mobiles plutôt que ces bases d’appui. Une telle stratégie avait une limite : elle ne pouvait tenir sur la durée que pour autant que l’Angleterre conserverait la suprématie sur les mers. Au regard des succès de la Royal Navy à cette époque-là, présupposer que cette suprématie allait de soi n’était pas tout à fait un péché d’orgueil de la part de Clinton…
Mais c’est la stratégie de Clinton qui l’emporte lorsqu’une base navale est créée à Yorktown, sur la baie de Chesapeake. De là, Clinton veut menacer les colonies centrales, et même frapper Philadelphie avec l’aide de l’armée qui descendrait de New York.





Mais la campagne de Virginie, en 1781, oblige Cornwallis à se réfugier dans Yorktown, pour offrir à ses troupes (environ 8,000 hommes) un abri, du repos, des vivres, et un répit contre la malaria. Assiégés par des troupes américaines sous le commandement de George Washington (environ 9.000 hommes) et des troupes françaises du comte de Rochambeau (environ 9.000 hommes aussi), et coupés de toute aide par voie maritime par l’escadre du comte de Grasse (avec notamment 28 vaisseaux de ligne), Yorktown et les 8.000 hommes de Cornwallis résisteront trois semaines avant de se rendre.


Même si la guerre d’indépendance devait durer encore jusqu’en 1783, la chute de Yorktown était le coup qui allait entraîner, pour l’Angleterre, la perte de ses colonies d’Amérique.


Alors, pensez donc, une telle victoire contre les Anglais, grâce à des troupes françaises et après qu’une escadre française avait tenu en échec la Royal Navy, ça vaut bien un petit billet, non ?

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Pour plus de détail sur ce siège, les lecteurs curieux se reporteront par exemple au livre Yorktown (1781). - La France offre l'indépendance à l'Amérique, de Raymond Bourgerie et Pierre Lesouef
(éditions Economica, collection Campagnes & stratégies, 1992, ISBN 978 2717822816).


Les lecteurs anglophones qui apprécient les synthèses bien illustrées se reporteront à l’ouvrage Yorktown 1781. The World Turned Upside Down, de Brendan Morrissey (texte) et Adam Hook (illustrations) (éditions Osprey, série Campaign, n°47,  1997, ISBN 978 1855326880).

 

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Billet publié dans le cadre du Défi XVIIIe, sur le thème "1781"

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