jeudi 12 mars 2015

Des couteaux pour Giacomo


Bien présomptueux serait celui qui prétendrait savoir quel style précis de couteau a eu la préférence de Giacomo Casanova. Les mentions d’un tel objet dans son Histoire de ma vie sont relativement rares. Et elles sont le plus souvent réduites à une très simple expression, comme « mon couteau ».
Je retiendrai ici quelques-unes de ces mentions, pour me laisser aller à quelques propositions, à partir de couteaux qui pourraient être « dans l’esprit casanovien ».




« Car par hasard je n’avais pas même sur moi le petit couteau que dans ma chère patrie tous les honnêtes gens sont obligés de porter pour défendre leur vie. »
Voilà donc un « petit couteau » avec lequel on pourrait « défendre sa vie ». Ces temps-là n’étaient pas encore, comme ceux d’aujourd’hui, au « couteau tactique », croisement survitaminé du couteau de poche et du couteau de combat.
Pour mon Giacomo, il me faut donc penser à un couteau assez élégant pour être celui d’un « honnête homme » amateur – comme lui – de belles choses, de taille suffisamment modeste pour qu’il soit légitime qu’il le qualifie de « petit » et, dans le même temps, assez conséquente pour être une arme et pas un simple ustensile à peler des fruits.
La « roncola veneta » ne convenait pas : elle est bien typique de la Vénétie, mais avec sa lame en serpette, c’est plutôt un outil agricole qu’un couteau pour défendre sa vie ! Je me suis donc permis d’explorer le répertoire des couteaux au-delà des frontières de la Vénétie, en particulier dans la production actuelle, artisanale voire haut de gamme, et plus particulièrement dans les catalogues des couteliers Consigli, Nino Nista, et Gian Claudio Pagani.


Modèle "Romano", coutellerie Consigli




Modèle "Romano", coutelier Nino Nista


Modèle "Balestra di Avigliano", coutelier Gian Claudio Pagani




« Tandis que celui-ci buvait avec ma garde, j’étais couvert de ma pelisse, mon couteau de chasse à la ceinture, car je n’avais plus d’épée, et deux pistolets chargés dans mes poches. »
Je me laisse aller à imaginer que Casanova n’avait pas, à la ceinture, un couteau de chasse quelconque. Mais plutôt ce que l’on appelle une dague de vénerie, à la lame longue et solide, capable de « servir » – c’est-à-dire d’achever – un gibier aussi résistant qu’un cerf ou un sanglier. Plus longue qu’un couteau de chasse sans pour autant atteindre la longueur d’une forte-épée, plus courte et plus épaisse qu’une épée de gentilhomme, la dague de vénerie avait probablement de quoi tenir en respect un malandrin. Et, si la dague au fourreau ne suffisait pas à faire réfléchir l’importun, les deux pistolets formeraient, assurément, des arguments convaincants.








« Le fils du commissaire du Canon vint me prendre, et je trouvai dans M. son père un original des plus bizarres. Les raretés de son cabinet consistaient dans la généalogie de sa famille, dans des livres de magie, reliques de saints, monnaies soi-disant antédiluviennes, dans un modèle de l’arche pris d’après nature au moment où Noé aborda dans le plus singulier de tous les ports, le mont Ararat en Arménie ; dans plusieurs médailles, dont une de Sésostris, une autre de Sémiramis, et enfin dans un vieux couteau d’une forme bizarre, tout rongé de rouille. » […] « Il déploya tous les trésors de sa burlesque érudition sur tout ce qu’il avait, finissant par son couteau rouillé, qu’il prétendit être celui avec lequel saint Pierre avait coupé l’oreille à Malek. »
L’Évangile selon Saint-Jean (Jn, 18:10), au moins dans sa traduction en français, indique que Simon-Pierre a utilisé son épée – et non un couteau – pour couper l’oreille de Malchus (que l’interlocuteur de Casanova appelle « Malek »). Mais, bon, pour un gogo, qu’importe la nature exacte de l’instrument tranchant, pourvu que la légende soit belle.
Quelle pourrait donc être, aux yeux de notre Vénitien, la « forme bizarre » (que Casanova qualifie plus loin de « baroque ») d’un tel couteau coupeur d’oreille ? Il me fallait trouver un couteau de fabrication actuelle qui, aux yeux d’un homme du XVIIIe siècle, aurait pu passer pour un couteau exotique remontant peut-être au temps de Jésus.
J’ai donc fouiné du côté des couteaux pouvant arriver des Indes orientales ou de parages similaires. Les kandjars indiens traditionnels ont retenu mon attention.




Mais, pour muser vers le côté un peu charlatanesque dans lequel Casanova aimait à nager, je me suis finalement rabattu sur l’ouvre-lettres « façon khandjar » de Sherry Cordova (http://www.sherrycordova.com/html/sterling_fine_silver_letter_opener.html). Qu’importe si cela ouvre plus de lettres que ça ne coupe d’oreilles !






Cela étant dit, un couteau d’Afrique du Nord ou du Congo aurait tout aussi bien pu faire l’affaire.





Reste à savoir comment Simon-Pierre aurait eu un tel couteau en sa possession pour couper l’oreille de Malchus…




Enfin, en clin au côté séducteur-amoureux de Casanova, un dernier couteau, de la série des « gages d’amour » (Pegni d’amore) des couteliers Consigli. Ce n’est peut-être pas vraiment vénitien, ni peut-être pas vraiment XVIIIe siècle, mais je me suis laissé aller à imaginer Casanova portant sur lui un ou plusieurs de ces « gages », en offrant un à chaque « amour de sa vie », quitte à en offrir – toujours aussi sincèrement – à son prochain « amour pour toujours ».

Modèle "Coltello dell'amore costante", coutellerie Consigli



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mercredi 11 mars 2015

Pi... raté ?


La série Black Sails embarque ses spectateurs vers les temps de pirate du capitaine Flint vingt ans avant ce que Robert Louis Stevenson contait dans son Île au trésor.
Elle est plutôt bien notée par les utilisateurs du site IMDB (note de près de 8/10, sur plus de 26.000 votes à la date d’aujourd’hui). Et comme les séries télévisées sur les pirates étant plutôt rares, j’étais curieux de découvrir cette production-là.


Force, m’est de constater, après avoir regardé l’intégralité de la première saison en DVD (et sur un écran de télé de taille respectable, pas sur une tablette numérique), que mes sentiments mitigés. Je suis partagé entre le plaisir de certains aspects assez prenants, et la déception d’autres qui sont caricaturaux, voire « inutiles » à mes yeux.

J’attendais peut-être trop de Black Sails. Je me disais que ce serait peut-être à l’univers des pirates ce que Rome était à l’antiquité romaine, ou Hell on Wheels à la conquête de l’Ouest américain par le train. Je m’attendais à une série de la qualité de Vikings (qui, elle, vaut vraiment le détour).

Las. Dans Black Sails (saison 1, au moins), les personnages semblent sortis tout droit d’un casting de mode façon « bad guys », avec barbe de trois jours, cicatrices faites avec les fins de série du kit « maquillage magique ».


Idem pour les « bad girls », Anne Bonny (incarnée par Clara Paget, qui, à l’écran, paraît traîner son rôle comme un boulet) étant peut-être la pire de toutes, avec son faux regard dur et son rictus pitoyable sous l’aile large de son chapeau qui maintient son visage dans l’ombre. C’en est presque risible.


Les relations entre personnages glissent parfois du côté du soap opera le plus mou, avant de passer à l’autre extrême, avec sang à flot et sexe débridé, voire forcé. Je ne suis pas niais au point de croire qu’une horde de psychopathes et sociopathes, meurtriers en série, gens de sac et de corde, révoltés acharnés contre le monde entier, ait pu vivre comme une bande de beatniks de retour de Katmandou ou Woodstock. Je ne confonds par l’île de Providence et l’île de Wight. Mais, quand même, ces Black Sails me semblent comporter des ingrédients jetés en vrac dans le shaker, et non choisis avec soin pour s’assembler en un cocktail vraiment pensé.

Quant aux épisodes maritimes, les effets spéciaux numériques pour les navires naviguant sous voiles piquent les yeux, avec parfois des erreurs physiques dans la façon dont les voiles se gonflent ou dont les pavillons flottent au vent.


Pourtant, la photographie est bien travaillée, les costumes ne tombent pas dans le déguisement de carnaval, le souci apporté aux extérieurs et intérieurs, tant dans les bâtiments terrestres que dans les navires, donne une véracité formelle à cette série. Néanmoins, du point de vue du récit, les alliances, contre-alliances, retournements d’alliances, trahisons, faux-semblants et vrais mensonges, n’arrivent pas à me maintenir pleinement éveillé.


Bref, je pense que je n’embarquerai pas pour la saison 2.


Pour retrouver Long John Silver dans une autre appropriation de ce personnage, je retournerai plutôt vers la série de bandes dessinées que lui consacrent Mathieu Laufray au scénario et Xavier Dorison au dessin (éditions Dargaud, série terminée, 4 tomes publiés en 2007, 2008, 2010 et 2013 respectivement ; fiche sur le site de la Bedetheque).



lundi 9 mars 2015

Du cul, du cul, du cul !


J’ai emprunté ce slogan aux Guignols de l’info, qui le faisait proférer par la marionnette de Patrick Le Lay (qui était alors la moitié du duo cynique formé avec Etienne Mougeotte à la tête de TF1) pour souligner une des lignes directrices de la chaîne à cette période-là. Trivialité et vulgarité étaient les deux mamelles auxquelles ce duo voulait nourrir leur public.

Si je l’emprunte aujourd’hui, ce n’est pas pour proclamer que c’est le virage que je compte prendre avec mes blogs, mais pour souligner le virage pris par les administrateurs de blogger quant au contenu « pour adultes » qui sera désormais acceptable sur ces plates-formes.
Finalement, ce ne sera pas la chasse aux sorcières dont les auteurs de blogs sur Blogger avaient été menacés. Les conditions futures seront celles prévalant aujourd’hui.


Mise à jour du règlement relatif au contenu pornographique sur Blogger
La semaine dernière, nous avons annoncé un changement du règlement relatif au contenu pornographique sur Blogger. Il était question que les blogs diffusant des images sexuellement explicites ou illustrant des scènes de nu deviennent privés.
Vous avez été très nombreux à réagir à cette annonce, notamment à l'effet d'un tel changement sur les blogs de longue date, et à son impact négatif sur les internautes qui publient du contenu sexuellement explicite pour exprimer leur identité.
Nous vous remercions pour vos commentaires. Ce changement n'est donc plus à l'ordre du jour et les règlements existants restent en vigueur.

Conséquences pour les propriétaires de blogs

  • La pornographie commerciale reste interdite.
  • Si votre blog comporte du contenu pornographique ou sexuellement explicite, vous devez activer le paramètre Contenu réservé aux adultes, de manière à faire apparaître un avertissement. Si Google est informé de l'existence d'un blog dont le contenu est réservé aux adultes et pour lequel l'avertissement n'est pas activé, il intégrera une page interstitielle. Si cela se produit à plusieurs reprises, le blog pourra être supprimé.
  • S'il n'y a pas sur votre blog de contenu sexuellement explicite et que vous respectez le Règlement relatif au contenu de Blogger, vous n'avez pas à apporter de modifications à votre blog.


Ce qui me fait le plus marrer, c’est la phrase sur l’« impact négatif » qu’aurait eu le changement de règlement « sur les internautes qui publient du contenu sexuellement explicite pour exprimer leur identité. »
J’ai l’impression qu’on est passé du « si nous repérons un téton ou un buisson pubien dans vos billets, alors nous torpillerons votre blog » à « si vous avez besoin de publier du cul, du cul, du cul, pour vous construire, alors nous n’allons pas porter préjudice à votre identité ». Le coup de balancier d’un extrême à l’autre.


Comme je l’avais écrit dans mon précédent billet à ce sujet, je ne vais pas changer de « ligne éditoriale ».


Mais, tant qu’à être un peu provocateur, j’invite ici, à titre exceptionnel, le commissaire San Antonio, avec ce titre à l’élégance toute vénitienne !